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B20 Summit à Bali : qui est Shinta Kamdani, la femme d’affaires indonésienne qui parle aux grands de ce monde ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Shinta Widjaja Kamdani, présidente du B20 Indonésie, prononce un discours lors de l'ouverture du sommet du B20 sur l'île balnéaire indonésienne de Bali, le 13 novembre 2022. (BAY ISMOYO / AFP)

C’est l’une des femmes les plus puissantes d’Asie, régulièrement dans les classements internationaux. Femme d'affaires et militante issue d’une grande famille d’industriels indonésiens, Shinta Kamdani présidait dimanche 13 et lundi 14 novembre à Bali le sommet du B20, l’équivalent business du G20 prévu mardi. Il y a quelques semaines, elle avait fait le déplacement à l’Élysée pour inviter le président Emmanuel Macron, qui n’est pas venu.

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La France était d’ailleurs quasi absente de ces débats réunissant pourtant 2500 hommes d’affaires du monde entier. On retrouve sur place 40 italiens, 70 allemands, 90 anglais, 250 indiens, quant aux : n’en parlons pas. C'est la première économie d’Asie du sud-Est. Depuis des mois, Shinta Kamdani a embarqué, pour ce B20, Tony Blair, Elon Musk, Emma Marcegaglia, l’ancienne N°1 du patronat italien. À la tribune, dimanche les présidents indonésien bien sûr, mais aussi le sud-coréen, le Premier ministre australien, et côté canadien : Justin Trudeau qui annonce un accord avec l’ASEAN, l’Inde etc. Mais pour la France ? personne ! Pas même un ministre. Et à peine une dizaine d’entrepreneurs, 3 venus de Paris, le reste de Djakarta. C’est donc une vraie intruse, pour nous, Français.

Une lutte perpétuelle pour "briser le plafond de verre"

Pour parler ainsi à l’oreille des puissants, Shinta Kamdani, pourtant née dans un grand pays musulman, a eu la chance que son patron n’ait pas eu de fils. Pour lui succéder, il n’a eu de choix qu’entre ses deux filles. C’est la plus jeune, Shinta, qu’il a placé à la tête de ce conglomérat qui fait aujourd'hui un milliard  de chiffre d'affaires. C’était il y a plus de vingt ans, en 1999. Elle avait 32 ans. Aujourd'hui, elle en 55 et est mère de quatre enfants. Et elle est donc PDG et actionnaire du groupe Sintesa qui représente 16 filiales dans l’immobilier, les produits de grande distribution alimentaire, l’industrie et l’énergie. Elle a aussi dirigé le MEDEF indonésien, la Kadin. Femme brune très avenante, et sure d'elle. Redoutable en affaires, m’a-t-on dit. Et forcément le président indonésien Joko Widodo quand il s'est agi d'organiser ce B20 à Bali, s’est adressé à elle. 

Elle est pourtant un peu une intruse chez elle aussi parce qu’issue de plusieurs minorités. Malgré des études top niveau aux États-Unis - Columbia et Harvard - elle a dû batailler. Elle parle elle-même de "triple minorité". "Je suis une femme, non musulmane et chinoise d’origine ! Et cette triple minorité est omniprésente dans mon parcours, et ma vie ici, expliquait-elle, il y a deux ans, dans un entretien donné à la business school de Harvard. Sur tous ces sujets, je continue à devoir briser le plafond de verre ! Mais ça m’a rendue plus forte, j’ai fait mes preuves, et aujourd’hui je ne suis pas juste l’héritière. Je fais le job grâce à ce que je suis. Homme ou femme, on peut le faire."  De fait, en 20 ans, Shinta Kamdani a complètement restructuré le groupe, autour de 3 axes : "renforcer dans les renouvelables, devenir une compagnie plus durable et promouvoir les carrières des femmes." 


Féministe, elle l’est clairement. Mais pas forcément de la façon où on l’entend ici. Elle déteste notamment qu’on l’appelle "chairwoman". Il faut voir l’air réjoui de l’entrepreneur français qui a expliqué à franceinfo qu’elle n’a "pas besoin qu’on féminise les noms pour imposer sa féminité". Mais pour le reste, elle est convaincue que l’économie va mieux quand les femmes travaillent. Dans toutes les organisations où elle figure – notamment les plus masculines comme la chambre de commerce et d’industrie, elle explique qu’elle veut faire évoluer à la fois son entreprise et ce pays où les femmes entrepreneures sont obligées d’envoyer leur mari pour chercher un financement, sinon on ne leur donne pas.  

Déçue de la faible présence française en Indonésie

Shinta Kadmani a aussi créé la "Coalition des entreprises indonésiennes pour l’autonomisation des femmes" qui incite les compagnies locales à mettre en place des programmes d’inclusion des femmes, (au même titre que les multinationales) sur l'égalité des salaires, la conciliation travail- vie privée, la lutte contre le harcèlement sexuel, et le leadership féminin. Avec même des programmes de mentorat. Et pour les entrepreneuses, elle joue carrément les business Angels avec un fonds qu’elle a créé : l’Angel Invest Network Indonesia. Avec ses interlocuteurs, Shina Kadmani ne cache pas sa déception quant à la faible présence française en Indonésie. Une situation qui pourrait évoluer avec l’arrivée d’un nouvel ambassadeur tout juste nommé. Jusqu’ici en Corée du sud, Fabien Penone est précédé de la réputation de l’homme déterminé à dynamiser les relations entre les deux pays. Comme il est proche d’Emmanuel Macron, certains veulent y voir le signe d'une volonté partagée au plus haut de l’État. 

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