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Adolescent tué à Nanterre : qui est Patrick Jarry, le maire de la ville marqué à jamais par la fusillade du conseil municipal il y a 20 ans ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
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Patrick Jarry, maire de Nanterre, le 28 juin 2023. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Il se retrouve en première ligne suite à la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans, tué par un tir de policier mardi 27 juin à Nanterre. Le maire de la ville depuis presque 18 ans a pris la parole à la mi-journée, 24 heures après le début d’affrontements dans sa ville et qui se sont étendus aux communes voisines jusqu’à Mantes-la-Jolie, à près de 50 km où la mairie annexe du Val-Fourré a été totalement détruite par un incendie. Patrick Jarry appelle au calme, avec mots extrêmement forts : "Notre ville se réveille choquée, abîmée, balafrée et inquiète par ce déferlement de violence. Arrêtons cette spirale destructrice. Protégeons nos quartiers, nos biens communs, qu’ensemble nous avons eu tant de mal à construire et à rénover."

Blessé par balles en 2002

Évidemment ému, Patrick Jarry dit aussi que Nanterre a vécu l’une des journées les plus terribles de son histoire et évoque une ville qui "a toujours su se rassembler" dans l'épreuve.

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Ces mots prennent d’autant plus de force lorsqu’on sait qu’il était lui-même, il y a 20 ans, élu au cœur d’un moment particulièrement dramatique de l’histoire de Nanterre : la tuerie au conseil municipal. Huit élus tués, 19 autres blessés parmi lesquelles Patrick Jarry justement qui avait à l’époque 49 ans. Il n’était qu’un élu très discret de la majorité de la maire communiste Jacqueline Fraysse, mais s’était interposé lorsque à 1 heure du matin, ce 27 mars 2002, un chômeur de la ville, Richard Durn, s’était levé dans la salle à la fin du conseil et avait ouvert le feu. Patrick Jarry avait reçu plusieurs balles, notamment à la jambe et au thorax. Quelques mois plus tard, il avait été décoré la légion d’honneur. 

Interrogé sur franceinfo, pour les 10 ans de la tuerie, il évoquait ses cicatrices physiques, indélébiles. Mais politiquement aussi, ce moment semblait avoir changé la donne. "Il y a un avant et un après avec les hommes et les femmes qui siégeaient au conseil municipal ce soir-là. Nous avons des opinions politiques différentes et nous nous opposons lorsque nous le pensons nécessaire mais il y a toujours du respect entre nous." À l'époque, la France était sous le choc des attaques de Mohammed Merah à Toulouse et Montauban et Patrick Jarry s'indignait de propos très politiques autour de ces drames. "C'est le genre d'évènements dont on ne peut pas parler sur des tréteaux électoraux", disait-il. On imagine sa vigilance aujourd’hui encore sur ce point. 

Le souvenir de Mai 68

À 69 ans, ce lui qui est aujourd’hui présenté comme maire divers gauche de Nanterre a passé une bonne partie de sa vie avec une carte du parti communiste. Il faut dire qu’il débarque très jeune dans Nanterre "la rouge", dès les années 1950. La ville dirigée par les communistes depuis 15 ans à l’époque restera d’ailleurs une forteresse communiste, même quand le reste des Hauts-de-Seine basculera progressivement à droite. Sa mère est femme de ménage, son père, ouvrié chez Citroën, lui-même est  membre des Jeunesses communistes dès la classe de 3e. Militant lycéen; il a raconté à l’Express que son meilleur souvenir politique c'est précisément, en Mai 68 ,à 14 ans, d’avoir suivi les manifestations sur le campus de Nanterre depuis la fenêtre de sa chambre se disant que "tout était possible". À 25 ans, il est secrétaire de la section PCF de Nanterre. il est alors journaliste à l’Éveil, l’hebdomadaire local communiste, ce qui ne l’empêche pas de boucler un master en génie urbain aux ponts et chaussées, et d'entrer comme ingénieur au Berim : le bureau d'études proche du PCF.

En 2004, le voir succéder à Jacqueline Fraysse qui avait démissionné deux ans après la fusillade du conseil municipal avait surpris du monde. L’homme discret était même qualifié de terne par rapport à cette maire charismatique. On comprend qu’il s’est assez vite imposé. Réélu d'ailleurs en 2008 dès le premier  tour avec une liste d’union de la gauche et des verts, ce qui était inédit en 75 ans de communisme ! Depuis, il a toujours été réélu. Entre temps, il a pourtant quitté le PC devenant l'un des fondateurs de Gauche citoyenne à Nanterre en 2010.   

Le logement est toujours sa priorité. Il y a deux ans, il avait conduit une délégation au ministère du Logement pour alerter sur la crise du secteur. Au printemps il alertait à nouveau le président de la République dans une interview au JDD. Avec comme cap : la politique des quartiers. Pas étonnant de l'avoir entendu mercredi midi, en même temps qu'il réclamait la justice pour Nahel, appeler à préserver ces quartiers si difficiles à construire et rénover. Lui qui dans ce message entretien à l’Express, en 2009, reconnaissait comme principal échec politique à Nanterre : le niveau trop élevé d'échec scolaire dans les écoles de sa ville.

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