Syrie : quand Fillon tacle Hollande chez Poutine
Décidément,
François Fillon, jadis réputé pour sa trop grande placidité, a décidé aujourd'hui
de verser dans la transgression. La question soulevée par ses propos, tenus hier
lors d'un forum consacré à l'avenir de la Russie, dans la ville de Valdaï, est
de savoir jusqu'où un ancien dirigeant Français, en l'occurrence un ex-Premier
ministre, peut critiquer, à l'étranger, la politique internationale de son propre
pays ? Plus particulièrement quand il s'agit d'un conflit, d'une guerre, celle
qui se déroule en Syrie, et qui plus est, devant l'un des acteurs centraux de
la crise en question, le président russe en personne...
Et la réponse ?
C'est
une faute lourde ! La parole d'une personnalité de ce rang, qui a occupé
Matignon pendant un quinquennat, et à ce titre a représenté la France dans les
capitales monde entier, cette parole n'est pas anodine, et peut compter si elle
dérape. Aller faire ça chez Poutine, c'est au mieux amateur, et au pire
choquant.
Dans les faits, il y est allé sans détour ?
François
Fillon a émis des réserves sur l'option des frappes militaires, soutenues par
François Hollande. Mais surtout, saluant le rôle de la Russie dans le règlement
diplomatique de la crise - dont personne d'ailleurs ne peut dire aujourd'hui où
elle va mener - l'ex-Premier ministre s'est lancé dans une critique directe du
président Hollande, souhaitant "que la France retrouve cette indépendance
et cette liberté de jugement et d'action qui, seules, lui confèrent une autorité
dans cette crise ". Vladimir Poutine devait boire du petit lait : c'était
encore mieux qu'avec Gérard Depardieu. Le plus étonnant est que François Fillon
a tweeté son propos, ce qui aussitôt agité la toile. Mais a tenté par la suite de
le relativiser, avec deux autres tweets successifs, appelant à une relation
plus étroite entre l'Union européenne et la Russie. Mais le mal était fait.
Les personnalités politiques respectent cette obligation de réserve quand
elles se déplacent à l'étranger ?
Les
présidents de la République en exercice ont coutume de dire qu'ils ne
commentent pas la politique nationale hors frontière. La règle vaut dans l'autre
sens, pour les anciens chefs de l'Etat. Nicolas Sarkozy, quand il s'est rendu à
Bruxelles en mars dernier pour remettre une légion d'honneur à un ministre
belge, avait fait allusion sur le mode ironique à la politique fiscale de
François Hollande, et au sujet de la politique étrangère de la France avait
fermé le ban en déclarant : "J'ai gardé un reste d'expérience
politique qui fait que je ne vais pas trop loin dans mes propos ". C'est
une question de responsabilité politique : transgresser cette règle revient
à affaiblir la position de la France, éminemment critiquable, mais dans le seul
cadre du débat national. François Fillon s'en est affranchi.
Les voyages en
tous les cas lui donnent des ailes, lui qui avait annoncé à Tokyo en mai
dernier qu'il serait candidat "quoiqu'il arrive en 2017" . Cette
nouvelle péripétie s'additionne avec sa récente déclaration sur le vote FN. C'est
à se demander si François Fillon ne s'est pas mis en mode "rupture ",
ça rappelle quelqu'un, pour occuper l'espace politique. Mais ça, c'est
une autre histoire.
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