Cet article date de plus de dix ans.

PMA, le grand n'importe quoi

Le report de la loi famille annoncé lundi après-midi, au lendemain d'une manifestation des opposants dans les rues de Paris, sème le chaos au sein de la majorité.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (©)

" Ce n'est pas la rue qui
gouverne ", a déclaré jadis un certain Jean-Raffarin. Et bien les temps changent,
et cette fois la rue a gagné : la mobilisation de dimanche, dans le calme,
de la Manif pour Tous, a tout simplement fait reculer François Hollande et
Jean-Marc Ayrault. Et c'est assez incroyable comme les choses basculent en
politique : le mistigri, qui faisait que ce mouvement en dehors des partis
affaiblissait, divisait la droite, a changé de camp en 24h et semé le chaos à
gauche. Un haut responsable socialiste, qui n'en revenait pas hier soir, a fait
ce commentaire : " l'affaire a vraiment été gérée d'une drôle de
manière. L'annonce d'un report de la loi, ça se fait AVANT la manif, pour la
désamorcer. Pas APRES, en donnant l'impression de céder ". Pour lui,
" le truc bizarre est que l'exécutif donne raison à ceux qui ont
défilé, alors que la PMA n'était même pas dans le texte de la loi, et encore
moins la GPA ". La décision a été prise hier lors du déjeuner en
tête-à-tête entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Le président
craignait qu'un député socialiste ou vert ne dépose un amendement pour
introduire la Procréation médicalement assistée et allume le feu avant les
municipales. Le calcul était basique : mieux vaut se taper deux jours de
polémique que deux semaines. 

Manuel Valls a imposé ses vues dans ce débat.

** C'est l'un des aspects les
plus étonnants de la séquence : c'est le ministre de l'intérieur qui a
lancé les opérations en martelant hier matin que le gouvernement
s'opposerait à tout amendement PMA ou GPA. En lieu et place du Chef de l'Etat
ou du Premier ministre. " Il s'est exprimé en lien étroit avec le
président ", jure l'entourage de celui qui s'occupe non seulement de la
police mais aussi de la famille, comme l'a constaté avec ironie un soutien de
Dominique Bertinotti, silencieuse, accablée. Toujours est-il que Matignon, à la
traine, s'est contenté de valider dans la matinée l'annonce de Manuel Valls,
avant d'entériner un peu plus tard la décision de reporter toute la loi famille
en 2015. Cela s'appelle avaler des couleuvres.
 **

Et sa mise au point a énervé
la majorité.

La réaction qui a suivi de
Bruno Le Roux montre à quel point cette majorité n'est décidément pas tenue. Le
patron du groupe PS à l'Assemblée a fait comprendre au ministre de l'intérieur
que les députés prendraient leur responsabilité. Bruno Le Roux, favorable à la
PMA, comme plus d'une centaine de députés socialistes et verts, allait amender
la loi famille pour y introduire la procréation médicalement assistée.
Jean-Marc Ayrault lui-même n'avait-il pas annoncé il y a un tout juste un an
qu'elle serait votée dans le cadre de la loi, après avis du Conseil national
consultatif d'éthique ? Ceux qui ont donc accusé la Manif pour tous de
défiler pour des motifs fallacieux se sont pris les pieds dans le tapis.

Le résultat est assez désastreux au final ?

" Le pire est que non
seulement nous donnons l'impression de céder à la rue de droite, mais en plus nous
montrons qu'il n'y a pas de coordination au sommet du pouvoir ", se désole
un hiérarque socialiste. La PMA n'a jamais été une priorité du chef de l'Etat,
qui a su mener à bien sa promesse d'instaurer le mariage gay, en tenant bon
face à la contestation. François Hollande, qui ne veut pas apparaître comme un
président " familiphobe ",  a
voulu s'épargner une guerre sociétale avant les municipales et les
européennes,  lui qui mise tout sur son
pacte. Ce qui n'a pas empêché le grand n'importe quoi : personne autour de
lui n'a donc rien vu venir, sa majorité se déchire et la manif pour tous se
sent pousser des ailes. François Hollande va certes se débarrasser d'un souci,
mais à quel prix : l'épisode laissera des traces.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.