Les guerres des présidents
La Défense fait partie de la
mystique du monarque républicain, à la fois président et chef des armées.
"C'est un élément de prestige constitutif de sa fonction, une partie de
ses chromosomes ", comme le rappelle l'ancien ministre de la défense Hervé
Morin. À chaque fois que les forces françaises sont engagées, la question du
soutien et de la popularité est posée.
L'opinion est prête à accepter la
participation à un conflit, mais à la condition que les buts de guerre puissent
être justifiés, qu'il n'y ait pas de casse, pas d'enlisement. Pour le politique
Jean-Luc Parodi, il y a un bénéfice pour le chef de l'Etat : immédiat,
oui, durable, non.
François Hollande a connu un succès, le Mali et un
échec, la Syrie
Une guerre et une tentative.
Le Mali s'est soldé par un succès militaire et politique, avec peu de pertes.
L'opinion a finalement suivi son président, critiqué au départ pour son
isolement. François Hollande, taxé d'indécision et de mollesse, s'est taillé une
stature d'homme d'Etat, capable de fermeté.
Cette image s'est tout à coup
effacée à la rentrée dernière, avec sa volonté d'aller frapper la Syrie de Bachar.
Les Français y ont vu cette fois un entêtement, une folie d'aller se jeter dans
le piège de cet Orient compliqué. Les cinquante-huit parachutistes tués dans
l'attentat contre Drakkar à Beyrouth au Liban il y a tout juste trente ans est
dans tous les esprits. L'obstination de François Hollande sur la Syrie a
contribué, avec tant d'autres sujets, à sa chute dans les sondages.
Tous les présidents n'auront pas eu leur guerre.
Nicolas Sarkozy est allé
déloger Kadhafi en Lybie. Un massacre a été évité, un dictateur est tombé, mais
le chaos s'est installé dans la région et a précipité le conflit dans ce Mali
déjà déstabilisé. En remontant le temps, le Général de Gaulle, fondateur de la
Vème République, bénéficiait d'un prestige naturel, qui lui a donné toute
légitimité pour sortir la France de la guerre d'Algérie, même si cela s'est
fait dans l'ambiguïté et la douleur. Les présidences Pompidou et Giscard n'ont
pas connu de conflit, sauf peut-être quand VGE a envoyé la légion sur Kolwezi
en 78 pour libérer des otages. François Mitterrand, lui, s'est mué en chef de
guerre en participant, sans hésiter, à l'armada internationale de Bush père pour
chasser Saddam du Koweït. Sa cote de popularité a bondi, les Français l'ont
largement soutenu. Mais au final, l'acte le plus mémorable de notre histoire
récente, qui a donné un prestige absolu à un président, restera... une
non-guerre.
Vous faites allusion à Jacques Chirac ?
Son refus d'entrer dans la
deuxième guerre d'Irak l'a propulsé au firmament, lui qui était
alors si impopulaire. Jacques Chirac restera celui qui, dans une attitude
gaullienne, a dit non au va-t-en-guerre George W Bush, grâce au discours
mémorable de Dominique de Villepin à l'ONU, il y a déjà dix ans. C'est ce que
les Français retiendront d'un règne pourtant controversé, c'est ce qui marquera
les esprits à jamais. "Chacun peut vous en remercier" , lui a dit
François Hollande, lors de leur rencontre hier au Musée du quai Branly. Oui, la
guerre, pour une juste cause, peut être un élément de popularité éphémère pour
un chef de l'Etat. Mais le refus d'une guerre absurde reste à ce jour le choix
le plus plébiscité des Français.
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