Il a voulu montrer qui étaitle patron au sommet de l'Etat. Et son intervention télévisée, annoncée à lava-vite, était censée éteindre, d'un souffle, l'incendie kosovar qui couraitdepuis cinq jours. Tous les regards étaient tournés vers le président avec unequestion et une seule : allait-il ne pas céder à l'émotion et respecter ledroit qui n'a pas été bafoué, ou allait-il satisfaire son aile gauche ethumilier son populaire ministre de l'intérieur ? En choisissant le retourde Leonarda, elle seule et pas les autres membres de sa famille, FrançoisHollande a rejoué le jugement de Salomon. Et relancé la polémique de plusbelle, en fabriquant non pas une moitié de mécontents, mais deux.Pourquoi le président a-t-il pris un tel risque ?La question s'est posée àl'Elysée, raconte un proche du président, de laisser monter Jean-Marc Ayrault enpremière ligne. Ce qui n'aurait pas abaissé la pression. François Hollande enétait convaincu et a décidé de faire le job seul pour éteindre la menace, bienréelle selon l'entourage présidentiel, d'un dérapage lycéen dans la rue. Les étudiantss'apprêtaient à entrer dans la danse avec pour mot d'ordre : elle doitrentrer. François Hollande les a court-circuités en annonçant : ellerentre, si elle veut. Exit les manifs de jeunes, au prix d'une indécision quiallait forcément décevoir. L'objet de la contestation a changé de nature.Les critiques les plus violentes sont venues des rangsde la majorité.C'est bien là le problème.L'affaiblissement du président de la République est tel qu'il a gagné lesesprits à gauche. Il est incroyable de voir les Verts, avec lesquels le PSnégocie pour les municipales, dénoncer hier, dans un communiqué rageur, les propos"inhumains et incompréhensibles" de François Hollande et de Manuel Valls.Nous aimerions bien savoir ce qu'en Cécile Duflot membre du gouvernement. Maiscomme à chaque fois, cette interrogation restera lettre morte. Combien depersonnalités socialistes se sont lâchées, jusqu'au premier secrétaire HarlemDésir, qui a réclamé le retour de la famille, oubliant son devoir desolidarité ? Et au bout de la chaîne, cela donne Samia Ghali, la candidatebattue à la primaire marseillaise, qui a fait siffler hier soir les noms duprésident et de son Premier ministre. François Hollande n'est aujourd'hui plusrespecté par toute une partie de la gauche, qu'il cherche à ménager en vain.Comment qualifier cette séquence qui s'estemballée ?Tout le monde pète un câble."Nous avons eu les années folles, voici venir les années dingues ",a commenté hier Jean-Christophe Cambadélis, qui a lancé aux socialistes unappel au calme. Il faut tout de même rappeler qu'en France, il y a un consensusnational au sujet de l'immigration, aucun parti ne réclame l'ouverture desfrontières, ni même la régularisation massive de tout le monde. L'émotion s'estemparée de cette affaire, donnant lieu à un emballement médiatique général,avec une enfant de quinze ans répondant depuis le Kosovo, dans la seconde, àune déclaration du président de la cinquième puissance économique mondiale.Nous avons vécu un moment de télévision sans précédent qui n'a fait qu'ajouter àla désacralisation du chef de l'Etat, critiqué par ses détracteurs pour uneincapacité chronique à faire des choix tranchés. Un proche soutien de FrançoisHollande soupirait hier soir : "Dire que s'ils avaient interpellé lajeune fille après la sortie scolaire, personne n'aurait jamais parlé de cettehistoire".