Le gouvernement veut réformer les banques, a minima
C'était en janvier dernier, au Bourget. Le candidat François Hollande prononçait le discours qui allait électriser sa campagne. Il désignait alors son "véritable adversaire " : le monde de la finance, qui "gouverne, mais ne sera jamais élu ".
Un morceau d'éloquence politique complété par l'engagement numéro sept des 60 propositions du candidat socialiste : "je séparerai les activités des banques utiles à l'investissement et à l'emploi de leurs opérations spéculatives ". Résultat donc : le projet de loi qui va être présenté mercredi en conseil des ministres. Et les accents quasi-révolutionnaires de janvier semblent bien loin. En terme de séparation les banques n'auront qu'à isoler dans des filiales leurs activités dites pour comptes propres, où la banque gère son propre argent et non pas celui de ses clients. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici justifie cette prudence : "Je ne souhaite pas que ce soit une loi qui abîme, qui casse. Nous avons un modèle de banque universelle à la française qui est un modèle solide. Il y a aussi une industrie bancaire qui emploie 400.000 personnes. En revanche, il faut moraliser ".
Un recul du gouvernement ?
C'est ce que dit l'aile gauche de ce qu'on appellera par commodité la majorité. Elle dénonce l'action du lobby des banques. Il est vrai que depuis l'accession de François Hollande à l'Elysée, l'Association bancaire française n'a pas ménagé ses efforts pour convaincre. Elle a notamment souligné que prétendre que les activités de spéculation nuisaient à l'économie réelle était faux dans la plupart des cas. Et elle a réussi, estime Henri Sterdyniak, du Collectif des économistes atterrés : "Les lobbies bancaires ont obtenu que la réforme n'ait pratiquement pas d'impact pour les banques. Elles pourront continuer à spéculer. Il n'y a pas de risque pour Mme Michu à proprement parler, le problème c'est qu'on loupe une occasion de concentrer tous les moyens disponibles sur ce qui est vraiment important, c'est à dire le crédit aux entreprises vraiment productives en France ".
Alors François Hollande a-t-il poussé son credo anti-financier un peu trop loin pendant la campagne ? L'économiste Eric Delannoy, spécialiste des banques, y voit un manque de prudence : "On va être sur une séparation a minima. Une fois qu'on arrive au pouvoir, il y a la réalité de l'économie qui se met en place. Elle correspond à un état des lieux de la finance, où finalement les banquiers ne sont pas si méchants que ça. Faire une campagne avec un bouc émissaire qui serait la finance se révèle, à la pratique du pouvoir, finalement une erreur ".
Et sur la scène européenne, les dirigeants français ne jouent pas non plus les révolutionnaires. Ils travaillent à ce que le projet de réforme bancaire européen ne vienne pas percuter le projet de loi français qui devrait s'appliquer en juillet 2015, si son parcours législatif n'est pas trop semé d'embuches.
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