Florange, Heuliez : la gauche est-elle coupée des usines ?
Qui a dit : "Il ne faut pas tout attendre de l'Etat" ? C'est Lionel Jospin, le 16 septembre 1999, après l'annonce de licenciements massifs chez Michelin. Le
Premier ministre, à l'époque, a désespéré la gauche toute entière – c'est la
même qui est en déprime aujourd'hui - en
expliquant aux Français que l'économie ne s'administrait pas par la loi, par
les textes. Cet aveu d'impuissance lui a coûté, en partie, la présidentielle de
- Arnaud Montebourg était dans la même veine hier, au sujet d'Heuliez, en
déclarant ne pas vouloir "mettre des ressources rares dans des
entreprises qui n'ont pas d'avenir ". Il est vrai que l'équipementier n'a ni
débouché, ni client. Mais la déclaration réaliste du ministre du redressement
productif est contraire à la petite musique entendue pendant la campagne
présidentielle de François Hollande, notamment à Florange, où le président est attendu
de pied ferme jeudi. Arnaud Montebourg a tenté par la suite de rétropédaler en
expliquant que son cabinet avait travaillé tout le week-end sur le dossier.
Mais le mal était fait.
Les Français vont avoir
du mal à comprendre.
C'est le même Arnaud Montebourg qui avait provoqué un
pataquès il y a presque un an, en promettant aux salariés d'Arcelor Mittal une
nationalisation temporaire des hauts fourneaux de Florange, avant de se faire
rappeler à l'ordre par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le voilà devenu
prudent, presque rentré dans le rang. Ces voltefaces brouillent le message
gouvernemental, et démontrent que l'Etat n'a pas les moyens de faire grand
chose pour nos usines en détresse. Si ce n'est une loi Florange qui sera votée
le 1er octobre, promise par le candidat Hollande, mais très
édulcorée, censée contraindre les patrons qui veulent céder des entreprises
considérées comme rentables à trouver un repreneur. Un pis-aller.
Les dossiers Mittal et
Heuliez présentent des similitudes.
Ségolène Royal, qui s'est bien gardée hier soir de commenter
la maladresse d'Arnaud Montebourg, estimant qu'elle avait fait assez de dégâts,
a expliqué que l'outil Heuliez restait, à ses yeux, très performant. Ce
pourquoi la région a de nouveau investi dans l'entreprise, de façon à la maintenir
en état de marche, en attendant des jours meilleurs. "Il ne faut pas laisser
des margoulins dépecer Heuliez pour un euro ", a ajouté la présidente de
Poitou Charente qui estime qu'il n'y a pas de fatalité, la puissance publique
doit pouvoir se mobiliser. De l'anti-Jospin.
François Hollande est-il
sur cette ligne ?
Le chef de l'Etat, en tous les cas, veut renouer avec les
usines, dont il s'est trop éloigné depuis l'élection. L'Elysée a confirmé sa
visite à Florange, il s'était engagé à y revenir, il ira seul, sans Arnaud
Montebourg, il n'y aura d'ailleurs aucun ministre, explique un conseiller. Il
en fait une affaire personnelle, il dira alors sa conception en matière
d'interventionnisme d'Etat, sans effrayer les investisseurs. Son entourage jure
que le président ne s'est pas coupé des ouvriers. Rien n'est moins sûr. Avec la
déception de Florange, et des propos comme ceux sur Heuliez, les classes
populaires s'estiment une fois de plus laissées sur le
bord du chemin. Et elles regardent souvent ailleurs, non plus à gauche, mais à
l'autre bout de l'échiquier politique.
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