Planification écologique : "À court terme, il faut continuer à développer de l’éolien terrestre et des panneaux solaires", explique le président du Syndicat des énergies renouvelables
Le président de la République a présenté, lundi 25 septembre, le plan de planification écologique qui doit permettre à la France d'atteindre ses objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre. "Le chemin est atteignable", dit Emmanuel Macron. "Il s'agit de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Il suffit d'aller deux fois et demie plus vite", dit-il, et de "mettre en place une écologie souveraine", ce qui passe par l'augmentation de la part des énergies renouvelables. Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jules Nyssen réagit à ces annonces.
franceinfo : Est-ce que vous diriez que ça y est, il y a une vraie impulsion politique ?
Jules Nyssen : Il y a des réalités auxquelles personne ne peut échapper. C'est la nécessité de décarboner notre économie, notre planète. D'une manière générale, on a vu l'été, qu'on a subi tous, ce que ça impose l'action. Donc on verra. Mais en tout cas, ce discours marque une certaine volonté. Il faut quand même regarder de quelle manière il se traduit dans les actes.
Il faut augmenter la production d'électricité, notamment parce qu'il va y avoir en parallèle le déploiement des véhicules électriques. Il faut doubler le rythme de développement du photovoltaïque, poursuivre celui de l'éolien, peut-on lire dans le document de planification écologique. Est-ce qu'on est prêt ?
Oui, on est prêt. Il y a un document que je présenterai demain à l'occasion du colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables et qui démontre ce que les filières sont prêtes à faire d'ici 2035. C'est un document responsable et ça démontre que c'est la capacité qu'on a à être au rendez-vous. Je pense qu'on peut l'être après. Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est qu'aujourd'hui, dans ce qu'on consomme, il y a à peu près 60% d'énergie fossile, un peu le charbon, le gaz et le pétrole. Pour se débarrasser de ça, il faudra consommer moins. Il faudrait consommer mieux. Mais surtout, il faudra beaucoup électrifier. Parce que l'autre solution, ce sont les bioénergies, c'est la biomasse. Et tout ça, ce n'est pas infini.
C'est cette prise de conscience que l'on peut saluer. Après, on peut discuter sur la hauteur finale des objectifs dont on pense qu'on peut aller encore un peu plus vite. Mais on est prêt à le faire. Alors il y a des conditions. Il faut qu'on accepte l'idée qu'il faut continuer à déployer des éoliennes terrestres. Je sais que ce n'est pas le sujet le plus simple à traiter, mais il y a des tas d'exemples sur le terrain qui montrent que si on fait ça raisonnablement, on peut y arriver.
Il faudrait continuer le rythme de déploiement auquel on a à faire aujourd'hui en termes de puissance. Mais ça se fera avec moins demain parce que les machines sont plus puissantes qu'avant. Il en faut pour produire la même puissance, mais elles sont plus imposantes. Mais je pense que ce qui pose un problème, ce n'est pas tellement la taille de l'éolienne, c'est le principe posé. Et tout ça, ça renvoie à une discussion locale. Ce qui est important, c'est d'expliquer quel est le service qui est rendu en phase service et produire de l'électricité.
Et qu’en est-il du développement de l’éolien off-shore ?
L'éolien offshore, c'est une vraie bonne solution, mais qui ne produira des effets qu'à partir de 2030 et surtout à partir de 2035. Et le nouveau nucléaire, s'il y en a, ce sera encore après cette échéance-là. C'est ça le message qu'on essaie de porter dans le court terme. C'est le solaire qui se développe partout en Europe à une vitesse prodigieuse et c'est l'éolien terrestre qu'il ne faut pas abandonner. Donc j'espère que dans la suite des propos d'Emmanuel Macron, il y aura bien la réaffirmation de cette nécessité de continuer raisonnablement, mais de continuer de façon déterminée l'éolien et de doubler le déploiement des panneaux solaires.
Aujourd'hui, c'est possible ? Une loi de facilitation est passée en début d'année. Est-ce suffisant ?
On sait très bien qu'on ne pourra pas répondre à tous ces objectifs exclusivement en solarisant des toitures, des parkings et des sites dégradés. Mais j'aimerais bien qu'on puisse le faire, mais ce n'est pas possible et en plus, ça coûte plus cher. Ce n'est pas tellement pour les producteurs, c'est pour ceux qui utilisent l'électricité. Donc on a besoin de trouver des conditions pour trouver du foncier sur lequel on peut déployer également les sols, notamment des sols agricoles, mais qui n'ont plus d'intérêt pour l'agriculture. C'est d'ailleurs un décret en discussion qui est en train d'essayer de déterminer les conditions un sol qui est inculte ou qui a été cultivé depuis plus de dix ans, par exemple, c'est un sol sur lequel on pourrait déployer des panneaux solaires, alors on essaie de le faire de façon très respectueuse évidemment de toutes les contraintes, mais en ayant en tête cet objectif. La France en termes de solaire, c'est quand même un des mauvais élèves de l'Europe. Le chiffre en lui-même ne vous dira pas grand-chose. Mais on a fait 2,7 gigawatts l'an dernier, moins que l'année d'avant. Quand les Polonais font cinq et les Allemands font huit. Et quand je regarde le nombre de panneaux de puissance de panneaux solaires installés rapporté au nombre d'habitants, les champions, ce sont les Hollandais. Et nous, on n'est même pas dans les dix premiers à l'échelle européenne.
Bâtir une filière française, une filière made in France. Emmanuel Macron parle d'écologie souveraine. Aujourd'hui, on a les bras, on a les compétences ?
Les compétences, il faut qu'on y travaille, comme dans tous les domaines industriels. Mais on peut aussi déployer et développer en France des usines. Il y en a déjà quelques-unes - qui font des bouts du process. Et puis il y a deux grands projets de giga factories, comme on dit, qui sont sur les territoires. Et les deux enjeux sont liés. Pour développer du solaire avec beaucoup d'ambition, il faut pouvoir le produire sur place. En produire les panneaux solaires. C'est que 30% de la chaîne de valeur, c'est quand même 30% essentiels. Il faut qu'on retrouve la souveraineté sur la fabrication de ces panneaux. Il y avait un temps, on savait le faire. Ça ne me paraît pas très très compliqué à faire, mais il faut la volonté. Cette volonté, c'est l'affichage d'une ambition. Donc les deux sujets vont ensemble. Je veux une ambition parce que ça me donne des ailes. Ça donne une visibilité à ceux qui portent les projets d'industrie. Et quand j'aurai des projets dans l'industrie française et européenne, je pourrai déployer cette ambition et nous nous débarrasserons des 60% d'énergies fossiles. Je me débarrasse de 60% d'énergie qui dépendent complètement de l'étranger et de la situation géopolitique. C'est en cela qu'on est dans un sujet de souveraineté.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.