Michel Barnier à Matignon : "Il va falloir qu'il envoie des signaux très clairs", prévient le président de la CFE-CGC

Michel Barnier est nommé Premier ministre par Emmanuel Macron. Un choix qui s'est fait attendre depuis plusieurs semaines. François Hommeril, président de la Confédération française de l'Encadrement - Confédération générale des cadres est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
François Hommeril, président de la CFE-CGC, la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, en octobre 2023. (MIGUEL MEDINA / POOL)

La nomination de Michel Barnier à Matignon a fait vivement réagir la classe politique française. Jean-Luc Mélenchon dénonce "une élection volée aux Français", la droite lui souhaite de réussir, tandis que le RN, par la voix de Marine Le Pen, "sera attentif au projet qu'il portera". Que pensent les syndicats de cette décision d'Emmanuel Macron ? François Hommeril, président de la Confédération française de l'Encadrement - Confédération générale des cadres, CFE-CGC, est l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : Qu'est-ce que vous inspire la nomination de Michel Barnier à Matignon ?

François Hommeril : J'observe que tout le monde commente le fait que Michel Barnier présente l'avantage a priori de ne pas avoir le risque de se faire censurer dès le premier jour. Je dois vous dire que je n'ai pas grand-chose à dire par rapport à ça et ça m'intéresse assez peu. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir sur le plan social, sur le plan des dossiers, quelles sont les intentions et quel est le programme de Michel Barnier. Le problème, si vous voulez, c'est quel type de consensus social Michel Barnier va aller chercher vis-à-vis des organisations syndicales. C'est ça qui est fondamental.

On dit de Michel Barnier que c'est un homme de consensus qui a l'habitude de négocier. Il a passé pas mal de temps à Bruxelles, notamment comme commissaire européen qui a été en charge du Brexit.

Je pense qu'on ne peut pas lui faire le procès de ne pas connaître les lois et les règles de la négociation et d'élaboration du consensus. Sur ce plan, moi, je n'ai pas grand-chose à dire de plus. Je voudrais ajouter une chose, c'est que dans le contexte qu'on vit, toute personne responsable de l'exécutif devra aller chercher un consensus du côté des organisations syndicales parce que justement, il pourra l'imposer à l'Assemblée nationale. Quel que soit le camp à l'Assemblée nationale, un parti ne dira pas : "Il y a un consensus syndical, mais moi, personnellement, ça ne m'intéresse pas et je vais m'afficher contre ce consensus qui est porté par l'exécutif". On est encore dans une situation dans laquelle, de toute façon, il ne peut pas y avoir de projet gouvernemental qui s'oppose à une forme de majorité, voire de consensus du côté des organisations syndicales.

Quel est le dossier prioritaire, selon vous, pour Michel Barnier à Matignon ?

La priorité pour nous, bien entendu, c'est le pouvoir d'achat, c'est l'emploi des seniors, c'est la question de la retraite qui n'est pas réglée. On a tous été contre, on a défilé, on a fait quinze manifestations contre cette réforme qui est une réforme injustifiée et injuste. Il va falloir de toute façon rouvrir le dossier. Je ne sais pas quelles sont les intentions de Michel Barnier sur le sujet.

Quand il était candidat à la primaire LR pour la présidentielle, il voulait la retraite à 65 ans. A priori, il n'est donc pas pour l'abrogation de la réforme des retraites.

Oui, mais j'observe qu'il n'a pas été retenu dans la primaire et que par ailleurs, le camp dans lequel il est n'a même pas obtenu 5% aux élections. Je pense que, pour le coup, sur la base de ce programme-là, il aura compris, parce que c'est une personne intelligente, que la position n'était pas bonne. De toute façon, je suis ouvert à en discuter et par ailleurs, ce n'est pas le seul dossier. Il y a la question de l'assurance-chômage, du pouvoir d'achat, du logement, notamment.

Une partie de la gauche suspecte Emmanuel Macron d'avoir nommé Michel Barnier pour qu'il poursuive tout simplement sa politique économique et sociale. Qu'en pensez-vous ?

Effectivement, c'est un soupçon qu'il va falloir faire évaporer très vite.

"La balle est dans le camp de Michel Barnier et moi, j'imagine que dès la semaine prochaine, il va envoyer un signal."

François Hommeril, président de la CFE-CGC

à franceinfo

Probablement, il va nous rencontrer et on va savoir très vite quelles sont ses intentions sur le sujet.

Vous espérez quand même des changements sur les retraites, sur les salaires, sur l'assurance-chômage. Avez-vous bon espoir qu'il ne poursuive pas la politique d'Emmanuel Macron ?

Je n'ai pas peur du fond des dossiers. Si on vient me démontrer que j'ai tort dans l'argumentation que je déploie sur les questions de la retraite, de l'assurance-chômage ou du pouvoir d'achat, ce n'est pas un problème. Simplement, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Donc, il va falloir aborder les dossiers de façon pragmatique et changer effectivement des raisonnements, mais en tout cas, on ne pourra plus se référer, comme c'était le cas les années passées, uniquement à l'idéologie.

Si vous ne rencontrez pas rapidement Michel Barnier et si vous n'obtenez pas les gages que vous espérez, ni même les espoirs, appellerez-vous assez rapidement vos adhérents et les militants de la gauche et les Français à descendre dans la rue ?

En fait, ça marche un peu dans les deux sens. C’est-à-dire que ce sont surtout les militants et mes adhérents qui poussent nos propres structures à rejoindre tel ou tel mouvement dès l'instant qu'il est décidé de l'organiser. Pour le moment, je spéculerais trop en parlant de réaction, mais il va falloir qu'il envoie des signaux très clairs.

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