Mesures pour lutter contre la "fast fashion" : "Tout ça n'est pas défini, on va s'asseoir au ministère de l'Écologie et on va travailler", déclare la DG de Primark
L'Assemblée nationale a adopté le 15 mars à l'unanimité des mesures visant à freiner la fast fashion, avec notamment une interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés et un malus environnemental renforcé pour les rendre moins attractifs. Une proposition de loi portée par le groupe Horizons et qui doit désormais être examinée par le Sénat.
"On veut une transparence avec les clients. Donc, cette loi, elle va toucher tout le textile, mais elle n'est pas mauvaise puisqu'elle va permettre aux consommateurs de savoir vraiment ce qu'ils achètent", déclare vendredi 29 mars Christine Loizy, la directrice générale France de Primark. Primark, cette marque irlandaise est synonyme de vastes boutiques de mode à petits prix. Cela fait plus d'une décennie qu'elle est implantée en France. Primark possède 27 magasins partout en France, ce qui représente 120 000 mètres carrés et 7 000 salariés.
franceinfo : Avez-vous prévu d'ouvrir d'autres magasins en France ?
Christine Loizy : Le prochain magasin ouvrira en décembre 2024 à Rouen. Depuis 2013, les Français nous réservent un accueil incroyable partout où on s'implante. Donc on continue. On se développe, on a maintenant seize marchés. On est aussi en Amérique du Nord depuis peu, depuis cinq ans et on rencontre le même succès partout. Donc on continue.
Est-ce qu'il y a une spécificité française en termes d'achat ?
Non, pas vraiment. En fait, notre modèle, qui est unique, est le même partout dans le monde et les clients achètent la même chose. Que vous soyez américain, espagnol, français, italien, on a tous les mêmes goûts. La France est le troisième marché au monde pour Primark, c'est une grande fierté. Et ça témoigne du succès que nous avons depuis un peu plus de dix ans. Malgré une très grosse concurrence et un marché du textile qui se restreint année après année.
Des robes à 20 euros, des vestes à 30 euros, des chemises à 18 euros, un sweat à 8 euros, comment faites-vous pour pratiquer des prix aussi bas ?
On a un modèle qui est unique et qui est le même depuis 1969, notre enseigne a été créée en Irlande, où en fait, on a un certain nombre d'actions que nous menons.
"On a deux collections par an seulement. Qu'on anticipe neuf mois à l'avance, qu'on fait produire chez des sous-traitants sur les périodes creuses pour faire des économies, en Asie du Sud-est, comme la majorité des marchands de textile et qu'on transporte en bateau."
Christine Loizyfranceinfo
Chez Primark, tout est transporté par bateau. C'est notre modèle économique. Pour rendre du pouvoir d'achat aux clients, il faut que nous ayons des bas coûts. Nos produits sont proposés aux clients sur un site internet, mais vous devez venir dans notre magasin pour pouvoir les trouver. Le magasin, c'est notre raison d'être.
Pourquoi n'avez-vous pas de site internet ?
Parce que notre modèle économique ne nous le permet pas aujourd'hui. Si je vous livre à la maison, pour avoir un rapport qualité-prix et des produits durables, j'ai une petite marge. Et cette petite marge ne me donne pas les moyens de vous livrer à la maison. Aussi, bien sûr, pour des raisons économiques, pas de publicité, des stocks, pratiquement pas d'invendus. Chaque magasin appelle ces produits pour avoir exactement le stock qui lui convient.
Et donc des toutes petites marges et des très gros volumes.
Des toutes petites marges et des implantations dans des zones très denses en termes de population pour effectivement avoir des volumes. Les clients achètent un tee-shirt quand ils ont besoin d'un tee-shirt, mais il faut que j'aie beaucoup de clients dans une zone à peu près entre 30 minutes et une heure autour de mon magasin.
Il y a deux semaines, l'Assemblée nationale votait à l'unanimité des mesures visant à freiner la fast fashion, qui prévoit notamment un malus environnemental. Est-ce que vous, Primark, vous vous sentez visé ?
Alors, oui. Toute l'industrie du textile va être concernée par ce texte de loi qui a été adopté par l'Assemblée nationale. On en est qu'au début. Il y a deux volets. Le premier volet, c'est par rapport au nombre de références. Aujourd'hui, nous n'avons aucune visibilité sur ce qu'est une référence. C'est une taille, c'est une couleur, c'est un style ? Ça, c'est la première chose. La deuxième, moi, je vends des produits à toute la famille. Est-ce que je me compare avec une entreprise qui ne vend par exemple que des sous-vêtements pour adulte ? Tout ça n'est pas défini. On va s'asseoir au ministère de l'Écologie et on va travailler pour définir cela. La collection référence, tout ça n'est pas défini. C'est ça qu'il faut qu'on définisse ensemble.
"Vous savez, les plus grands vendeurs de textile en France, c'est la grande distribution. Donc l'ensemble des marchands de textile vont être concernés par ce texte de loi."
Christine Loizyfranceinfo
Et le deuxième volet de ce texte de loi, c'est par rapport au score environnemental. Là aussi, on va travailler tous ensemble.
100 milliards de vêtements sont vendus annuellement dans le monde et génèrent quatre milliards de tonnes de CO2 par an. Vous, qui devez faire du volume, rentrez-vous dans ces critères-là ?
On rentre dans ces critères de score environnemental.
"Mais le score environnemental, il faut le définir. Est-ce qu'on parle de durabilité ? Est-ce qu'on parle de produit circulaire ?"
Christine Loizyfranceinfo
La durabilité, c'est : est-ce que vous utilisez des produits qui vont durer longtemps ? Exemple un blue-jean, il y a un standard qui est que vous le lavez à peu près cinq fois. Nous, on a des standards qui sont à 45 fois, vous le lavez 45 fois et votre Jean, il est encore en bonne santé, on va dire. Donc, c'est un critère de durabilité et c'est aussi la matière première que vous utilisez. Est-ce que vous utilisez du coton durable ou bio ? C'est notre cas à 50%. On est en marche pour avoir 100% de coton durable d'ici 2030. Donc on est complètement concernés et on est, nous, dans la transparence. On veut une transparence avec les clients. Donc cette loi, elle va toucher tout le textile, mais elle n'est pas mauvaise puisqu'elle va permettre aux consommateurs de savoir vraiment ce qu'ils achètent.
Il y a un malus à fixer, par décret, qui pourrait atteindre jusqu'à 10 euros par produit en 2030.
Mais quelle est la définition aujourd'hui ? On ne la connaît pas, donc je ne peux même pas vous répondre si on sera touchés ou pas par ce malus. Ce n'est pas mauvais parce que c'est transparent et qu'à un moment donné, il faut que chacun soit jugé sur des éléments et des critères qui sont justes, qui sont équitables et scientifiques.
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