Mercosur : un traité qui "arrive à un moment où personne n'attend ça", et qui "paraît presque grotesque", estime le co-fondateur de Veja

"Je ne sais pas si c'est ça dont le monde a besoin aujourd'hui", réagit mardi Sébastien Kopp, le co-fondateur de la marque Veja, dont les baskets sont majoritairement fabriquées au Brésil.
Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Sébastien Kopp, co-fondateur de Veja, le 26 novembre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ce traité du Mercosur arrive à un moment spécial dans le monde. Il arrive à un moment où personne n'attend ça, et il paraît presque grotesque aujourd'hui", estime, mardi 26 novembre, Sébastien Kopp, le co-fondateur de la marque Veja, qui est intervenu au World forum for a responsible economy. 

Veja ce sont les baskets avec un V sur le côté. Elles sont éthiques, durables, réparables. Bref, la marque est la meilleure élève de la classe et, en même temps, ces baskets sont fabriquées très majoritairement au Brésil, l'un des grands pays du Mercosur avec lequel on prévoit un accord commercial si décrié.

franceinfo : Finalement, pour vous, l'accord avec les pays du Mercosur ce ne serait pas si mal ?

Sébastien Kopp : Pour nous, ce n'est pas un dossier qu'on suit activement dans le sens où on a jamais suivi les droits de douane de tel ou tel pays. Mettre perpétuellement les agricultrices, les agriculteurs en concurrence les uns avec les autres, je ne sais pas si c'est ça dont le monde a besoin aujourd'hui. Je parle pour mon associé, mon meilleur ami et moi. Ce traité arrive à un moment spécial dans le monde, à un moment où personne n'attend ça, et il paraît presque grotesque aujourd'hui.

Depuis maintenant 20 ans, vous payez des droits de douane pour faire venir vos sneakers en France. Des taxes à hauteur de quel pourcentage ?

On paye des droits de douane entre 8 et 20% pour faire venir les Veja en Europe. C'est très élevé quand on compare ces droits de douane aux pays asiatiques, mais ça ne nous a jamais ennuyés car où on n'a jamais créé notre projet selon les droits de douane, etc.

"On ne suit pas ces choses-là, on ne fait pas de lobbying pour ça. Et d'ailleurs, si on devait faire du lobbying, on le ferait plutôt contre ce traité."

Sébastien Kopp

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Est-ce pour répondre à d'éventuelles critiques que vous commencez à produire en Europe depuis l'an dernier ? Et au Portugal précisément, pourquoi ?

Le Brésil est le centre de Veja depuis le début. C'est le pays dans lequel on est allés chercher toutes les matières premières écologiques avec lesquelles on produit les baskets. C'est toute la déconstruction de la chaîne de production pour la reconstruire de manière clean : utiliser du coton bio, utiliser du caoutchouc, travailler directement avec les producteurs de matières premières, donc le Brésil dans notre cas et il le restera à vie. Mais on produit au Portugal par amour aussi, parce qu'on trouve ça génial de pouvoir produire en Europe avec des usines géniales, qui nous ont écoutés, qui connaissaient bien Veja et qui nous suivent aujourd'hui. Ça fait seulement deux ans qu'on produit là-bas, on n'en parle pas trop, ça représente 2 ou 3% de la production. Mais on trouve ça génial de créer une nouvelle aventure, de nouvelles filières aussi, pour le futur, peut-être avec l'Afrique.

Pourriez-vous rapatrier une partie de votre production un peu plus près de la France ?

Oui, complètement. Et c'est le but. On aimerait d'ailleurs que le futur soit relocalisé. La mondialisation est partie dans tous les sens, elle a amené plein de bonnes choses, mais beaucoup de mauvaises aussi. Et le projet Veja part de là, de reconstruire une autre mondialisation, de dire qu'une autre mondialisation est possible, qui respecte les travailleurs, les travailleuses, qui respecte les agriculteurs, qui respecte tout ce champ que nous, en tant que consommatrices et consommatrices, on ne voit pas.

Mais que vous montrez. Les contrats de travail sont visibles sur Internet par exemple. Vous les montrez à qui veut les voir ?

On a créé Veja très égoïstement pour nous, c'est-à-dire pour nous en tant que consommateurs. Nous, on aime bien voir et savoir ce qu'il y a derrière les baskets, c'est-à-dire combien sont payées les ouvrières et les ouvriers, combien sont payés les producteurs de coton bio. C'est ce qui nous anime et c'est pour ça d'ailleurs qu'on n'a jamais fait de publicité, donc ce n'est pas une marque très connue. Il y a plein de gens qui ne nous connaissent pas.

Sans publicité, vous êtes malgré tout très connus. C'est précisément un de vos modèles économiques.

Oui, on ne fait pas de publicité parce que nos baskets coûtent beaucoup plus cher à produire que des baskets qui seraient produites comme toutes les grandes marques le font en Chine, au Vietnam, en Indonésie. Donc elles coûtent entre trois et quatre fois plus chères, avec des matériaux écologiques.

"On a décidé de sacrifier la publicité sur l'autel de cette chaîne bénéfique aux agriculteurs, aux agricultrices et aux producteurs."

Sébastien Kopp

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Vos baskets sont des modèles avec des matériaux naturels bio, recyclés quand il s'agit de plastique. Mais pourquoi pas d'approvisionnements en France ? Un exemple, vous le dites, vous utilisez beaucoup de coton très gourmand en eau. Pourquoi pas du lin qui pousse en France et qui est si économe ?

Parce qu'on a tout fait au Brésil. Et on a créé une chaîne locale. Tous les matériaux proviennent du Brésil. On fabrique dans le sud du Brésil, à côté de Porto Alegre. Importer du lin au Brésil, c'est déjà pour moi quelque chose de contre-productif dans le sens mondialisation. Vous faites trois fois le tour de la planète pour produire une paire de baskets. Là, non, tout est fabriqué au Brésil. Les matières premières écologiques viennent du Brésil et, en plus, le lin serait taxé à plus de 100% s'il devait être importé.

Ce serait la même chose pour du cuir, parce que vous vous évertuez à tracer au Brésil des vaches qui n'ont pas mangé d'OGM. Or, le cuir sans OGM, il est là en France.

Oui, mais ça va plus loin que sans OGM. On veut la traçabilité totale sur notre chaîne de production et on va beaucoup plus loin que les autres marques de mode ou que les autres marques de baskets. On a créé ce projet de traçabilité du cuir depuis 2015-2016, on a mis quatre ou cinq ans à le réussir. Et aujourd'hui, le cuir des Veja vient de vaches d'Uruguay qui mangent bio et qui grandissent à ciel ouvert.

En revanche, l'empreinte carbone, évidemment, là, elle est importante. Vos allers-retours, j'imagine, mais surtout, évidemment, le transport de vos baskets.

Le transport se fait en porte-conteneurs à travers l'Atlantique. On exporte un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, le plus gros marché de Veja est aux États-Unis. Le deuxième plus gros marché de Veja est au Brésil. Donc, là, on vend deux fois plus qu'en France. Et au Brésil, c'est la basket parfaite puisqu'elle est faite localement.

Vous avez été l'un des premiers à miser sur la réparabilité précisément d'une simple paire de baskets. Ça pourrait être l'avenir ? Pour l'instant, c'est une poignée de chaussures…

Dans un monde aux ressources de plus en plus limitées... On est dans la semaine du Black Friday, c'est-à-dire dans la semaine de la surconsommation et de la folie de la consommation d'acheter des choses inutiles. Mais nous, on pense qu'on achète trop, on jette sans même avoir fini de consommer nos vêtements ou nos baskets.

"On pense que cette réparabilité, c'est une marche vers l'avenir."

Sébastien Kopp

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Pouvoir réparer avec des cordonniers et des cordonnières qui vous remettent à neuf une paire que vous croyiez complètement fichue, c'est un pari. On a commencé il y a quatre ans, ça marche incroyablement bien et on répare les Veja et toutes les autres marques.

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