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Lord Adair Turner : "Le capitalisme ne tient plus ses promesses"

Lord Adair Turner, ancien président de l’Autorité britannique des services financiers, était l'invité de l'interview éco vendredi. Il publie "Reprendre le contrôle de la dette". 

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Lord Adair Turner est l'ancien président de l’Autorité de régulation financière britannique. (RADIO FRANCE)

De 2008 à 2013, Lord Adair Turner a vécu aux premières loges la crise financière. Il a pris son poste de président de l’Autorité britannique des services financiers le 20 septembre 2008, cinq jours seulement après la chute de Lehman Brothers.

L'ancien gendarme de la finance à Londres publie Reprendre le contrôle de la dette, aux Éditions de l’Atelier. Il y porte un regard très critique sur l’évolution du système financier et sur certaines mesures comme les taux d'intérêts négatifs. Il brise également un tabou en proposant de faire tourner la planche à billets.

franceinfo : Quelles conséquences politiques a eu la crise économique et financière de 2008 ?

Lord Adair Turner : Beaucoup de gens pensent que le capitalisme ne tient plus ses promesses, qu'il y a tous les ans, tous les 10 ans, un accroissement du niveau de vie. Le système ne fonctionne pas. Nous sommes dans une crise d'efficacité de l'économie de marché qui produit à son tour une réaction populiste et un rejet des élites, car les gens pensent qu'elles ont échoué. À ce titre, l'élection de Donald Trump reflète deux choses. D'abord, une tendance depuis une trentaine d'années d'inégalités croissantes. Beaucoup d'Américains n'ont aucune augmentation de salaires alors que les plus riches, le 1% du haut, ont très bien réussi. Tout cela alors que la croissance aux États-Unis a été plus importante qu'en Europe. D'où une grande déception vis-à-vis des élites qui a suscité de la part des populations la volonté de se tourner, pour les Américains, vers un charlatan comme Donald Trump ou pour les Européens vers des partis d'extrême-droite ou d'extrême-gauche.

Il faut trouver des manières de gérer notre économie de manière plus efficace, de nous occuper de l'accroissement des inégalités, sinon on aura ces réactions populistes.

Lord Adair Turner, ancien directeur de l'Autorité britannique des services financiers

à franceinfo

Je ne crois pas que le populisme soit la réponse à ces questions mais c'est l'expression d'un sentiment de l'inefficacité des élites dirigeantes actuelles.

Percevez-vous une sorte de révolution ? 

Je pense que les mesures que nous avons prises, notamment sur la régulation dans les banques, a rendu le système plus résilient que précédemment. On risque beaucoup moins qu'en 2008 de faire face à une crise financière qui se développerait soudain au sein du système. Mais le problème du niveau d'endettement dans le monde est encore actuellement présent. Il est plus haut que jamais si on se base sur les chiffres des dettes publiques et privées. Et, c'est ce problème fondamental qu'il faut à tout prix régler.

Vous avez une proposition choc : faire tourner la planche à billets, exactement ce que les Européens ont décidé de ne pas faire lorsqu'ils ont créé la zone euro...

Oui, c'est une provocation. Pour relancer la croissance et sortir de la déflation, l'outil est la finance monétaire, de l'argent créé par les banques. L'économiste Milton Friedman est le premier à en avoir parlé, et il n'est pas considéré comme un dingue socialiste qui court après l'inflation. Il y a des limites bien sûr. Ce n'est pas une invitation lancée aux gouvernements afin qu'ils dépensent sans compter. Le montant doit être déterminé par des banques centrales indépendantes. Il faut utiliser cet outil à hauteur de 30 milliards d'euros mais pas 31. Et, s'il y a cette discipline, cela peut être beaucoup plus efficace et beaucoup moins risqué pour faire repartir l'économie que d'autres outils comme les taux d'intérêts négatifs.


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