"La lingerie française s'exporte très bien, car ce savoir-faire spécifique est reconnu internationalement", décrit le patron de la maison Simone Pérèle

Elle s'exporte à travers le monde, fait partie de la mode du savoir-faire à la française. Il s'agit de la lingerie, qui tenait salon ces jours-ci à Paris. L'invité éco du mardi 23 janvier est Mathieu Grodner, le patron d'une des marques emblématiques tricolores, Simone Pérèle.
Article rédigé par franceinfo - Isabelle Raymond
Radio France
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Mathieu Grodner, patron de la marque Simone Pérèle. (franceinfo)

Mathieu Grodner est aussi vice-président de la Fédération de la maille, de la lingerie et du balnéaire. L'actualité de ce mois de janvier a été notamment marquée par le placement en redressement judiciaire d'une autre marque de lingerie française très connue, la Maison Lejaby.

franeinfo : La lingerie française souffre-t-elle particulièrement en ce moment ?

Mathieu Grodner : Je crois que la lingerie française se porte bien. Globalement, elle s'exporte bien et depuis longtemps. Je déplore bien sûr les difficultés de Maison Lejaby. Il s'agit plutôt d'un cas isolé, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a jamais de difficultés dans le secteur. Mais si on regarde globalement le marché de la lingerie française sur les dernières années, c'est un marché qui est en progression et qui se porte bien.

De janvier à octobre 2023, le secteur de la lingerie femme a représenté 2,12 milliards d'euros. C'est quand même en recul de quasiment 2% en un an.

C'est vrai, l'année 2023 a été une année contrastée, avec un changement conjoncturel par rapport à l'année 2022, qui était encore en forte dynamique de la période post-Covid. Beaucoup de marques ont connu de la croissance en 2022. En 2023, c'est plus contrasté. Des zones géographiques ont continué de progresser, d'autres moins. Il y a ce contexte inflationniste qui a un impact certain sur la consommation et sur la fréquentation dans les magasins. Donc certaines maisons s'en tirent mieux que d'autres. Et si vous ne regardez que le chiffre export du secteur, lui est en progression malgré tout en 2023.

Effectivement, quand on regarde l'export, c'est assez impressionnant. Le chiffre d'affaires export total de la lingerie femme atteint plus de 650 millions d'euros et c'est en progression.

La lingerie française s'exporte très bien et avec d'autres, nous faisons partie des maisons qui ont assez tôt su exporter ce savoir-faire spécifiquement français de la lingerie, qui est un métier très technique et dans lequel il y a une tradition française de longue date, reconnue internationalement. C'est donc un des savoir-faire qui rayonne un peu partout dans le monde par l'intermédiaire de ces belles maisons.

C'est-à-dire que la lingerie française résiste bien face aux mastodontes Etam ou Calzedonia ?

Oui, pour une raison assez simple : nous ne sommes pas directement concurrents. Des maisons comme Simone Pérèle, ou comme nos concurrents directs, sont sur un positionnement qui est plus haut de gamme, plus premium. On aime bien se définir comme comme une marque de luxe abordable, ce qui veut dire que c'est un métier un peu différent, une clientèle différente et un positionnement prix différent aussi. Donc on ne se retrouve pas dans les mêmes canaux de distribution.

Fabrique-t-on de la même façon pour le marché français ou pour le marché étranger ?

Chaque maison a sa stratégie propre. Pour ce qui concerne Simon Pérèle, nous produisons une seule et même collection pour le monde entier. Mais cette collection est extrêmement large puisque, au fil du temps et de notre développement international, nous avons appris à l'adapter aux attentes et aux besoins parfois très différents d'un marché à l'autre et d'une culture à l'autre, parce qu'on touche beaucoup aussi aux habitudes culturelles.

Qu'est-ce qui est différent ?

Le marché français, qui reste notre premier marché, c'est à peu près 25% de l'activité, donc on a quand même 75% de l'activité de Simone Pérèle qui est à l'international. Je dirais que, si on regarde le marché français et les marchés d'Europe du sud en général, on a des femmes qui ont un rapport à la lingerie peut-être un peu plus émotionnel. Ce qui veut dire qu'elles vont rechercher des produits avec peut-être davantage d'esthétique, de couleurs, de détails. Alors que plus on va aller vers l'Europe du nord ou vers les marchés anglo-saxons, plus ce rapport à la lingerie va être fonctionnel. On va chercher davantage une lingerie qui ne se voit pas, une lingerie plus confortable, plus basique, des coloris plus invisibles aussi, plus neutres.

C'est intéressant parce qu'on voit également des différences culturelles à travers les choix qui sont faits par les différents pays.

Oui, dans la lingerie, on touche à l'intimité, on touche au rapport au corps et donc on est dans quelque chose de très personnel et qui touche bien sûr aussi aux spécificités culturelles.

Simone Pérèle est une maison familiale qui fête ses 75 ans, fondée par une corsetière. La troisième génération, dont vous faites partie, est à la tête de cette maison aujourd'hui. C'est une maison ambitieuse avec un bureau d'études à Paris, et deux usines en propre. Est-ce que ça fait partie des raisons du succès ?

Je pense que ça y participe. Il y a plein de raisons qui font que de Simone Pérèle est une maison qui rayonne encore aujourd'hui internationalement et qui continue de se développer.

Simone Pérèle, qui est-elle, par rapport à vous ?

C'est ma grand-mère. Elle a fondé cette entreprise seule. Elle a commencé par faire du porte-à-porte seule, à partir d'un petit atelier à Paris, juste après la guerre. Et très vite, elle a rencontré du succès. Elle avait une vision assez avant-gardiste pour l'époque. Elle a compris qu'il se passait quelque chose dans l'esprit et dans le comportement des femmes, dans cette période très particulière. Les femmes aspiraient à être plus libres de façon générale, mais plus libre aussi avec leur corps. Et ma grand mère a fait partie de celles qui ont compris ça et qui ont su le traduire dans ses créations de lingerie. En fait, Simone Pérèle a participé à la transition de ce qu'on appelait avant la corseterie à la lingerie. La corseterie, c'est le corps encore contraint. Avec la lingerie, on est capable de combiner l'esthétique et le confort.

Aujourd'hui, vos deux usines sont en Tunisie et à Madagascar. Est-il question de les relocaliser ?

Les relocaliser pleinement, non. Économiquement, malheureusement, ce n'est pas viable. En terme de coûts, ce serait trop cher pour garder notre positionnement abordable. En revanche, on est très attachés à conserver notre outil de production et notre savoir-faire industriel. Ça participe aux spécificités de notre maison que l'on maîtrise la qualité du produit, sa technicité et qu'on maîtrise toute la chaîne de valeur.

Et avec des matières premières françaises, des dentelles de Calais...

Tout à fait, matières premières françaises et très majoritairement européennes. On choisit les matières les plus nobles. C'est ce qui participe aussi à proposer une expérience produit et une expérience de marque unique à nos clientes.

Dernière question : comment faire pour se renouveler ? J'ai vu que parmi vos clientes, il y avait Brigitte Macron, Dua Lipa ou encore Taylor Swift.

Oui, on est très fiers, très heureux d'avoir de telles ambassadrices de la marque, qui sont pour nous une marque de reconnaissance. Effectivement, il faut savoir se remettre en cause en permanence. C'est comme ça qu'on dure et qu'on reste une marque qui vit avec son époque, qui reste dans l'air du temps. Donc nos collections, elles sont toujours dans l'air du temps et on a un bureau de création et de stylisme, qui est à l'avant-garde pour suivre et anticiper les tendances.

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