"La chimie trouve des solutions pour les batteries et pour l'hydrogène vert", selon la PDG de Syensqo
Depuis 2019 Ilham Kadri était à la tête du géant belge de la chimie Solvay qui a fêté ses 160 ans en 2023. En décembre, elle a coupé l'entreprise en deux entités séparées, chacune cotée séparément à la Bourse de Bruxelles. Elle est maintenant à la tête de l'une d'entre elles : Syensqo. Ilham Kadri est l'invitée éco de franceinfo, jeudi 1er février.
franceinfo : Est-ce que vous avez gardé la partie la plus rentable pour vous débarrasser finalement des activités qui gagnent moins d'argent ?
Ilham Kadri : Pas du tout, parce que le nouveau Solvay est profitable en fait. Notre rêve c'est vraiment de créer deux sociétés qui sont des investissements, avec un bilan très fort. Je suis arrivé chez Solvay en 2019 et on m'a demandé de libérer le potentiel, et c'est ce qu'on a fait. On a vraiment travaillé sur la stratégie, la structure et la culture. On a tout réinventé, et ce qui s'est passé en quatre-cinq ans est assez remarquable, avec un travail herculéen par tous les collaborateurs. On a désendetté la boîte de quatre milliards.
En fait durant l'année 2022, on est devenu milliardaire en investissements et milliardaire en trésorerie. Et donc On est arrivé à un taux de désendettement très faible qui nous a permis d'avoir le luxe d'envisager, de séparer et de scinder deux entités qui sont très différentes, l'une basée sur des technologies essentielles qui sont plutôt avec un modèle opérationnel qui doit être très simplifié.
Quand on regarde les activités, il y a d'un côté l'industrie de demain : l'hydrogène vert, la connectivité, la chimie de spécialité, notamment pour l'aérospatiale. Et de l'autre, les métiers historiques du groupe : l'eau de javel et les adhésifs.
Je vous rassure, on n'a plus d'eau de javel. Il y a le carbonate de soude, pour le verre, qui est necessaire pour le double ou triple vitrage. Il y a aussi la silice pour les pneus. Il y a des technologies essentielles mais qui sont plutôt des générateurs de cash résilients. Elles ont besoin d'un modèle opérationnel et de l'innovation sur le process mais pas le produit. Alors que l'entité Syensqo aujourd'hui est basée sur des métiers du futur. Elle a besoin d'innovation sur le produit. On investit déjà plus de 5% de notre chiffre d'affaires dans l'innovation chez Syensqo.
Et donc c'est plutôt une entreprise qui est basée sur les investissements, sur la croissance ?
La croissance du top line, c'est 8 milliards d'euros, une société globale, 13 000 collaborateurs à travers le monde qui est vraiment tournée sur l'environnement, sur la durabilité, sur les solutions pour les batteries, l'hydrogène vert, sur les semi-conducteurs, sur les ressources naturelles. Il y aura beaucoup d'investissements pour la croissance en France.
Solvay, ce sont 3 300 employés dans dix usines, sept centres de recherche et développement. Est-ce que vous pouvez les rassurer sur leur avenir ?
Vous savez, quand on a un bilan solide, quand on arrive avec une société qui est très peu désendettée, de moins d'une fois la dette, c'est vraiment remarquable par rapport à nos pairs. On investit en France à Saint-Fons et à Tavaux dans les batteries pour l'Europe. On a nos centres qui sont les plus grands centres de recherche dans le monde qui sont ici en France au service de l'Europe.
Et il y a beaucoup d'investissements, beaucoup de croissance potentielle.
Sans investissement, il n'y a pas de job. Ce sont les investissements qui nourrissent les jobs de demain et qui nourrissent la croissance de demain. Je trouve que ça a un côté société qui démarre aujourd'hui. On a deux mois d'existence, on est presque une start-up, mais de 8 milliards d'euros et 13 000 collaborateurs et on a des projets extraordinaires. On travaille déjà sur des batteries qui vont être solides, plus petites et moins chères. On travaille sur l'hydrogène vert qui est le nouveau carburant qui va un peu nous aider à arriver à la décarbonation de l'économie et du monde. On travaille sur des produits bios comme les shampoings bios. C'est très prometteur.
La décarbonation dans ce que vous produisez, concerne vos installations, ça fait partie des grands enjeux ?
On l'a fait avec Solvay. Quand je suis arrivé en 2019, on n'était même pas aligné avec les accords de Paris. J'ai demandé à nos équipes de me donner un rêve qui nous fait peur. C'est ce qu'ils ont fait, ils m'ont donné une fois Paris. Et comme on est devenus ambitieux, on a fait deux fois Paris depuis 2019, donc on a coupé nos émissions de 4% au lieu de 2%. L'ancien Solvay, s'est engagé pour une décarbonation à 2050. Chez Syensqo, parce qu'on peut le faire, on s'est engagé pour une décarbonation, avec neutralité à 2040.
Parce qu'on étudie la chimie comme une industrie extrêmement polluante.
La chimie, c'est la solution. La chimie, c'est une science. Le carbone n'est pas l'ennemi, la chimie n'est pas l'ennemi et le tableau de Mendeleïev n'est pas l'ennemi. La chimie trouve des solutions et on trouve des solutions, même indirectement. Pour la pharma, on trouve des solutions. Sans chimie, il n’y a pas de batterie. Sans chimie, il n’y a pas d'hydrogène vert. Sans chimie, il n'y a pas de connectivité.
La scission a été bien acceptée par les marchés financiers et par les investisseurs, ce qui est un petit peu moins bien passé, notamment au sein des journaux économiques, c'est le bonus de 12 millions d'euros qui vous a été octroyé à cette occasion. Comment est ce que vous le justifier ?
Ce n'est pas à moi de parler de la compensation. Mais je peux comprendre que tous les sujets de compensation et de rémunérations sont sensibles. Il y a une semaine, notre présidente du conseil d'administration a expliqué que c'était pour saluer la transformation exceptionnelle faite chez Solvay. D'ailleurs, ça a été soumis aux accords et au vote des actionnaires qui ont voté plus de deux tiers de votes positifs.
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