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Black Friday : "Il faut créer une économie de la réparation", déclare le directeur général de Fnac-Darty

Comment un géant de la distribution aborde-t-il le Black Friday ? Enrique Martinez, directeur général du groupe Fnac-Darty est l'invité éco du 24 novembre.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Enrique Martinez, directeur général de Fnac-Darty, invité de franceinfo le 24 novembre 2023. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Un Français sur deux compte participer au Black Friday selon une étude du Crédoc. Pour un groupe comme Fnac-Darty, c'est une journée qu'il ne faut pas rater Enrique Martinez, son directeur général, est l'invité éco de ce vendredi 24 novembre.

Ce jour est de plus en plus controversé, comme le montre cette campagne de publicité de l'Agence de la transition écologique pour le Black Friday, qui incite à moins consommer avec des "dévendeurs". Elle a provoqué la colère d'une partie des commerçants. Elle divise au sein du gouvernement.

franceinfo : Qu'avez-vous pensé de cette campagne ?

Enrique Martinez : Je pense que les consommateurs ont déjà compris qu'il y a des alternatives à la consommation. La preuve, c'est qu'un consommateur sur deux a déjà vendu ou acheté des produits d'occasion. Chez nous, on constate que l'on a jamais autant réparé de produits. Donc ça, c'est déjà dans les habitudes des consommateurs. Cette campagne, je pense qu'elle est un peu inopportune. Elle arrive à un moment où tous les commerçants sont en train de récupérer leur retard de chiffre d'affaires. Je pense qu'on aurait pu faire passer le message d'une autre manière. Après, dans le fond, je pense que les consommateurs n'ont pas attendu cette campagne pour se mobiliser sur une consommation plus responsable.

Ce n'est peut-être pas le bon moment pour vous ?

Je préfère donner de bons arguments pour que les consommateurs le fassent plutôt que de donner des leçons et de pénaliser ces commerçants qui pour beaucoup sont déjà en train de se mobiliser pour avoir des produits plus responsables, des circuits courts. Ce ne sont pas les petits commerçants, aujourd'hui, qui gênent la transition écologique de la consommation.

"Il faut s'intéresser à des grands acteurs mondiaux, des grandes plateformes qui sont en train d'envahir l'espace européen avec des produits qui ne correspondent à aucun des standards de qualité qu'on souhaite dans nos magasins."

Enrique Martinez, directeur général de Fnac-Darty

à franceinfo

Qu'est-ce qu'un rendez-vous comme le Black Friday représente en termes de ventes pour Fnac-Darty ?

Le Black Friday est devenu un grand moment commercial de l'année, comme Noël est très proche. C'est une opportunité d'anticiper des ventes de Noël et de préparer des fêtes. Et c'est aussi une occasion de faire des économies parce qu'on propose aujourd'hui des produits de qualité, mais aussi avec des remises importantes. Dans des moments où le pouvoir d'achat est un peu en difficulté, c'est un rendez-vous que le consommateur ne perd pas. Donc, c'est un grand week-end d'activité pour nous.

Est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal ? Est-ce que ça a encore du sens en 2023 de faire ces grosses journées promotionnelles ? Il y a d'autres enseignes qui ne le font plus, est-ce que c'est une réflexion que vous avez menée ?

Noël, c'est toujours l'opportunité pour les personnes de faire les achats dont ils ont besoin pour eux et de faire des cadeaux. Les produits que nous vendons, pour l'essentiel, sont des produits dont on a besoin pour vivre au quotidien. Ce ne sont pas des superflus ni des achats qu'on jette. Quand on achète une machine à laver, normalement, on ne le fait pas par plaisir, on le fait parce qu'on en a besoin. Quand vous achetez un livre, c'est parce que vous avez envie de vous éduquer et de vous cultiver. Donc nous, on ne pense pas être dans la consommation poussée. Ce qu'on vend pour le Black Friday, c'est exactement ce qu'on vendra pendant l'année, Noël inclus. Sauf que là il y a des opportunités d'achat et le consommateur cherche ces opportunités pour son pouvoir d'achat.

Donc on ne vous verra pas renoncer aux opérations promotionnelles du Black Friday ?

Le consommateur, aujourd'hui, a un pouvoir d'achat qui est fragile. Le modèle économique des commerçants est fragile aussi, et très challengé pour différentes raisons. Donc il ne faut pas casser ces modèles sociaux, il faut les faire évoluer. On a pris beaucoup d'engagements et d'initiatives sur la réparation pour prolonger la vie de nos produits. Mais si vous cassez ces modèles qui emploient des millions de personnes aujourd'hui dans ce pays, vous allez tomber sur un effet qui est tout à fait le contraire. Je ne pense pas que le gouvernement s'est embarqué sur un projet de décroissance, mais plutôt sur un projet de croissance responsable.

"On peut aller beaucoup plus vite probablement, mais attention à ne pas faire payer ceux qui ne sont pas les coupables."

Enrique Martinez, directeur général de Fnac Darty

à franceinfo

Parlons de votre sixième édition du baromètre du SAV. Ce qu'on y lit, c'est que les Français ont plus le réflexe de faire réparer leurs appareils qu'avant plutôt qu'en acheter un nouveau. Mais est-ce qu'il y a encore des freins ?

Le frein principal est de savoir s'il y a assez de techniciens qualifiés sur le marché du travail pour réparer les produits dans des bonnes conditions. La réponse est non. C'est pour ça qu'il faut former. Et nous, on en forme des centaines, mais ce n'est pas assez parce qu'on ne peut pas couvrir tous les marchés. Donc on a effectué un travail pour éclairer les consommateurs et les aider à bien choisir les bons produits. Il faut travailler sur la disponibilité des pièces, parce que sans pièces, on n’a pas de réparation. Mais, la grande limite reste la formation des techniciens. C'est une filière qu'il faut monter parce que ce ne sont pas les bonus réparation et les annonces à la télévision qui vont faire changer les choses. Il faut créer une économie de la réparation.

Combien de produits réparez-vous sur une année ?

Avant le Covid, nous étions à 1,6 million, presque un tiers de tout ce qui se faisait en France. Aujourd'hui, on dépasse déjà les 2,5 millions. Ça n'est jamais arrivé dans l'histoire de notre groupe. Au contraire, on était sur une décroissance de la réparation. Aujourd'hui, on répare de plus en plus parce qu’on a investi davantage sur les pièces, parce qu’on a investi sur les techniciens et parce que les consommateurs sont plus que jamais ouverts à la réparation de ces produits.

Quel impact a eu l'inflation sur vos ventes et sur le comportement de vos clients ?

L'inflation, ajoutée au manque de confiance des consommateurs, a provoqué une baisse globale des volumes de la consommation. Il faut aussi ajouter la période du Covid où certaines catégories ont fait des volumes importants. Donc, tout ça combiné, ça fait qu'aujourd'hui, si vous avez regardé nos chiffres, on est à peu près à 20% de moins par rapport à l'année dernière. On n'est pas capable de dépasser l'inflation dans nos volumes, on est un peu en retrait et c'est probablement plus impacté par le manque de confiance que par le pouvoir d'achat qui en France ne s'est pas trop dégradé finalement.

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