Baisser les salaires, "ça doit être l'exception, ça ne peut absolument pas être un remède d'ensemble", estime l'économiste Patrick Artus
Invité lundi 8 juin sur franceinfo, Patrick Artus chef économiste de la banque Natixis, juge qu'il faudrait au contraire augmenter les salaires de façon progressive car la France souffre d'un "problème général de faiblesse des salaires".
"Il ne faudrait pas confondre la réaction dans certains cas très difficiles avec une politique d'ensemble salariale", a déclaré lundi 8 juin sur franceinfo Patrick Artus, chef économiste à la banque Natixis. Baisser les salaires en temps de crise, comme veut le faire la compagnie Ryanair, "ça doit être l'exception, ça ne peut absolument pas être un remède d'ensemble". Selon lui, "il faut laisser ça à une discussion totalement décentralisée dans chaque entreprise".
La baisse des salaires "doit être l'exception puisqu'on sait très bien que le problème de long terme, c'est qu'il y a un problème général de faiblesse des salaires, même si le cas français est moins grave que ce qu'on voit dans d'autres pays, comme les États-Unis ou le Japon.
Dans son livre qui vient de paraître, "40 ans d'austérité salariale. Comment en sortir ?" aux éditions Odile Jacob, Patrick Artus démontre que l'austérité salariale touche moins la France et l'Italie que d'autres pays. Ce sont "deux pays dans lesquels les salaires ont augmenté à peu près comme les gains de productivité". Mais il concède qu'il y a un problème de bas salaire et de pouvoir d'achat en France. "Le pouvoir d'achat a été mangé par les dépenses contraintes, au premier lieu l'énergie et le logement."
Rappelons qu'en 30 ans le logement a augmenté de 60% de plus que les salaires, c'est considérable.
Patrick Artus, économiste chez Natixissur franceinfo
Mais l'économiste alerte sur le risque d'une hausse brutale des bas salaires, telle que prônée par Joe Biden aux États-Unis, au vu de l'endettement des ménages et des pays occidentaux. "Comme les salaires ont assez peu augmenté, on a remplacé par la dette (…) Ceci n'est possible que parce que les taux d'intérêt sont restés extrêmement bas". Dans son livre, il explique que "si on veut sortir de ce modèle pour revenir à un modèle avec des salaires en augmentation plus rapide, les taux d'intérêt monteront, et c'est incompatible avec les niveaux d'endettement auxquels nous sommes parvenus."
Le scénario optimal, ce serait qu'on prenne son temps, qu'on décide collectivement qu'on va augmenter les salaires et qu'on va l'étaler sur un très grand nombre d'années.
Patrick Artus, économiste chez Natixissur franceinfo
Il faudrait étaler cette hausse "de façon à ce que l'effet inflationniste soit faible, que les taux d'intérêt soit faibles et qu'on ait le temps en parallèle de se désendetter", explique Patrick Artus sur franceinfo. Il craint donc l'effet d'une potentielle élection du démocrate Joe Biden à la présidence des États-Unis, ce dernier ayant promis de doubler les bas salaires. Cela pourrait déclencher une "crise de la dette" d'ampleur internationale selon l'économiste.
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