L'info de l'histoire : nos colères paysannes
En France, les colères paysannes se manifestent depuis des siècles, pour ne pas dire des millénaires. C’est une tradition dans notre pays : quand les agriculteurs sont mécontents, ils le montrent de façon grandiose.
Déjà au Moyen-Âge, il y avait ces révoltes paysannes que l’on appelait les jacqueries. Un Jacques, c’était un monsieur tout le monde : le prénom le plus donné. Une personne donc qui travaillait la terre et qui, n’ayant pas assez pour vivre, se révoltait. Les jacqueries jouissaient d’un grand consensus. Elles étaient aussi populaires que les grands soulèvements de l’époque moderne : les révoltes des croquants, des nu-pieds, des "bonnets rouges" qui ont laissé des traces dans notre histoire.
Il ne faut pas s’y tromper : dans ces révoltes, il y avait une alliance avec le pouvoir local, avec les petits seigneurs qui, comme les paysans, souffraient des variations de prix. L’ennemi commun, c’était l’État central, celui qui voulait prélever de nouveaux impôts.
Ces grandes révoltes ont progressivement disparu et au XXe siècle, les agriculteurs sont entrés dans une autre logique, celle des manifestations démocratiques, des formes de protestation reconnue par la République. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les manifestations sont devenues plus régulières, presque routinières. Les Français ont pris l’habitude de ces pratiques comme celle du blocage des routes auxquelles nous sommes encore confrontés. Les reportages des actualités filmées des années 1950 décrivent presque les mêmes situations que celles que nous vivons aujourd’hui.
Le tournant des les années 70
Les méthodes de blocages sont utilisées pour les questions de prix, pour les négociations européennes, les quotas de lait ou de production de vin ou encore les taxes. C’est presque devenu un rituel à certains moments de l’année où en fonction du calendrier des organisations syndicales : on bloque ! Dans les années 1970 l’exaspération était si grande face au jeune ministre de l’Agriculture, Jacques Chirac, que plusieurs manifestations se sont soldées par des morts : en 1971 contre la politique agricole commune (PAC) européenne, et surtout en 1976 à Montredon. Là, les viticulteurs et les CRS, échangent des coups de feu. Bilan : deux morts, un paysan et un officier de police.
Cela a constitué un tournant : à partir de là, fini de vouloir faire des manifestations armées. Il fallait rester dans une action pacifique, même pour mettre le pays à l’arrêt. Rares ont été les accidents et les drames comme celui survenu cette année à Pamiers. C’est sans doute ce qui explique la sympathie dont jouissent, encore de nos jours, ces vastes mouvements de revendication d’une population fragilisée.
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