L'info de l'Histoire : la longue histoire du maintien de l’ordre en République
Les manifestations actuelles contre la réforme des retraites et leur répression posent la question lancinante des techniques de maintien de l’ordre dans notre République. L’histoire nous montre qu’elles n’ont cessé de changer pour obtenir la dissolution des cortèges en réduisant le nombre de victimes.
De fait, à partir de la Révolution, l’ordre était maintenu par l’armée, et en particulier par des unités de la garde nationale. Leur outil de travail ? Le fusil et le sabre, frappant avec la crosse ou le plat de l’arme quand on voulait éviter de tuer. Mais au pays des révolutions, les régimes successifs, jusqu’à la IIIe République n’ont pas peur d’éliminer des adversaires. Le droit de manifester n’existe pas : ce sont des révoltes. Comme le montre Victor Hugo dans les Misérables, quand il évoque la révolte des 5 et 6 juin 1832, très vite, c’est barricade contre fusillade.
Pas d’unité spécialisée avant 1921
La IIIe République change la logique. Les manifestants sont des électeurs. On réduit le nombre de victimes et on reconnaît le droit de manifester et le droit de grève avec les lois de 1864 et 1884. Progressivement, la police et la gendarmerie entrent dans la danse. Mais il n’existe pas d’unité spécialisée avant 1921. La police utilise ses manteaux, lestés avec du plomb, pour frapper les protestataires et la troupe intervient encore parfois. Le bâton complète la panoplie.
Après la Seconde Guerre mondiale, les opérations de maintien de l’ordre prennent lentement le visage que nous leur connaissons. Il y a d’abord la création des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et la réorganisation de la garde mobile de la gendarmerie. Ces deux forces vont être spécialisées dans la surveillance et dans l’éventuelle répression des manifestations. Leur matériel est complété dans les années 1960 de boucliers et de matraques. Les agents de la préfecture de police de Paris viennent en renfort avec ces équipements.
Mai 1968
À cette époque a lieu un tournant : l’état-major préfectoral cherche prioritairement à éviter les morts pour ne pas endeuiller le pays comme cela a été plusieurs fois le cas pendant la guerre d’Algérie, notamment à Charonne, en février 1962.
Mai 1968 marque et modifie les logiques du déroulement. Commence la dramaturgie de l’affrontement volontaire des manifestants jeunes avec les forces de l’ordre. Les arrestations se multiplient dans les cortèges, les gaz lacrymogènes aussi. En écoutant les actualités de l’époque, le parallèle avec ce que nous voyons aujourd’hui est évident. Mais les techniques et les outils continuent encore d’évoluer. Bataillons de voltigeurs à moto, supprimés puis remis en vigueur sous un autre nom ; grenade de désencerclement dont les éclats atteignaient la tête, révisées pour ne plus qu’elles explosent au-dessus de la taille… Le but est aussi d’épargner les policiers et les gendarmes, qui sont l’objet d’insultes et d’attaques et connaissent aussi des blessures. Ces personnels au service de l’ordre républicain assument une tâche difficile. Souvent, les observateurs se demandent si leur emploi par le gouvernement est bien conforme à l’intérêt général. Cette question mérite un débat juridique et politique.
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