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L'info de l'histoire : ces ministres rattrapés par la CJR

L'actualité remise en perspective chaque samedi, grâce à l'historien Fabrice d'Almeida. Samedi 18 novembre : les affaires jugées par la Cour de justice de la République.
Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Croquis d'audience illustrant le procès (de gauche à droite) d'Edmond Hervé, Georgina Dufoix et Laurent Fabius dans l'affaire du sang contaminé, en février 1999 (JEAN CHESNOT / AFP)

Les audiences du procès contre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République viennent de s’achever. La sentence sera rendue prochainement. Ces poursuites contre un ministre ne sont pas nouvelles : depuis la création de cette cour spécialisée en 1993, pas moins de huit ministres et deux secrétaires d’État ont été poursuivi dont deux Premiers ministres : Laurent Fabius et Edouard Balladur.

Laurent Fabius était poursuivi dans le cadre de l’affaire du sang contaminé. Un dossier qui a bouleversé la France car, en 1985, des hémophiles ont été transfusés avec des produits sanguin non testés et contaminé par le virus du Sida, alors qu’il existait des produits inoffensifs, chauffés, mais plus cher sur le marché. Fabius, alors Premier ministre, la ministre des Affaires sociales Georgina Dufoix et le secrétaire d’État à la Santé Edmond Hervé sont accusés d’empoisonnement.

La cour est créée pour juger cette affaire qui concerne des décisions prises dans l’exercice de leurs fonctions. Les politiques sont-ils les vrais coupables alors que ce sont des médecins qui ont instruit toutes les décisions et qui avaient la compétence médicale ? Georgina Dufoix avait exprimé cette idée, empruntée à l’avocat d’un autre accusé, dans une interview avec une formule qui est entrée dans l’histoire : "Responsable mais pas coupable".

Finalement Fabius et Dufoix sont relaxés. Edmond Hervé est condamné mais dispensé de peine, pour "manquement à une obligation de sécurité et de prudence".

 Des procès plus politiques, ou relevant de la délinquance économique

Ségolène Royal est poursuivie en diffamation par des enseignants pour des questions liées au bizutage. Elle est relaxée en 2000.  De même, dans l’affaire dite de Karachi où l’ancien Premier ministre Edouard Balladur est mis en cause pour des rétrocommission dans une vente de frégates. Les sommes auraient financé sa campagne pour l'élection présidentielle de 1995. Il est relaxé mais François Léotard, son ministre de la Défense, est condamné à une peine avec sursis et une amende.

En 2004, Michel Gillibert, secrétaire d’État aux Handicapés, est condamné à cinq ans d’inéligibilité, trois ans de prison avec sursis et une amende, pour un détournement de quelque 8,5 millions d’euros. Moins grave paraît la poursuite contre Jean-Jacques Urvoas, en 2019, pour violation du secret professionnel au profit du député Thierry Solère. Ou encore Christine Lagarde, ancienne ministre de l’Économie, aujourd’hui présidente de la Banque centrale européenne, impliquée en 2016 pour l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie dans la si longue affaire du Crédit Lyonnais. Elle s’était défendue avec force alors qu’elle préparait sa candidature à la tête du FMI.

Aujourd’hui court encore une plainte qui vise Edouard Philippe, Olivier Véran et Agnès Buzyn pour leur gestion au moment de la pandémie de Covid. Mais leur statut n’est pas celui d’accusé, tant il est difficile de juger rétrospectivement des décisions complexes de santé publique.

Le cas Raoul Péret

En fait, il est difficile de comparer nos procès récents avec les grandes poursuites politiques de l’après-guerre ou du XIXe siècle. Peut-être un cas des années 1930 peut-il être éclairant. En 1931, en effet, c’est bien un ministre de la Justice totalement oublié aujourd’hui qui est accusé et jugé par le Sénat érigé en haute cour : Raoul Péret. Il avait retardé l’inculpation du banquier Oustric. Deux semaines plus tard, Oustric était en cessation de paiement et provoquait la ruine de petits investisseurs. L’intervention de Péret dans la procédure était un scandale. Pourtant le Sénat ne le condamne pas et se contente d’une remontrance.

Comme on le voit, les ministres ne sont pas au-dessus des lois et cela remonte à loin. La Cour de justice de la République, malgré ses défauts et ses limites, remplit une fonction nécessaire.

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