Géorgie : la longue marche, souvent entravée, vers l'indépendance et la souveraineté

L'actualité remise en perspective chaque samedi, grâce à l'historien Fabrice d'Almeida. Samedi 11 mai : les grandes manifestations qui agitent la Géorgie, et qui sont à lire dans la continuité de la longue histoire de la lutte pour l’indépendance dans ce pays.
Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Manifestation à Tbilissi (Géorgie) le 8 mai 2024 (GIORGI ARJEVANIDZE / AFP)

Cette région est déjà reconnue comme une entité politique dans l’Antiquité, un royaume disputé par de nombreuses puissances, aux confins de la mer Noire. Hittites, Parthes, Romain, Perses, tous ont tenté de se l’approprier. Ce fut même une zone de combat entre musulmans et chrétiens orthodoxes de Byzance, au Moyen-Âge et après. Finalement, au début du XIXe siècle, après plusieurs campagnes, l’empire de Russie s’empare de la région et l’annexe. Mais le patriotisme couve sous la cendre et renait à la faveur de la Première Guerre mondiale et de la fin de l’empire russe. La Géorgie existe comme État entre 1918 et 1921. Puis elle se rattache à l’Union soviétique.

Le Géorgien le plus connu de cette époque est le maître de l’URSS : Joseph Djougachvili, dit Staline. Sous sa férule et celle de ses successeurs, impossible de parler de nation. Mais avec la perestroïka dans les années 80, les ambitions reviennent. Dès novembre 1988, des manifestations populaires revendiquent un État libre. La plus importante, en avril 1989, est réprimée dans le sang par l’Armée rouge, avec vingt morts environ et des dizaines de blessés. La raison de ces mobilisations ? Les tentatives de Moscou de détacher l’Abkhazie et l’Ossétie du nord de la Géorgie. Si bien qu’en 1991, le pays prend son indépendance avec une forme d’hostilité sourde pour la Russie.

Un président démocratiquement élu, Zviad Gamsakhourdia, accède au pouvoir. Mais les anciens du Parti communiste soviétique organisent un coup d’État et placent bientôt à leur tête l’ancien ministre des Affaires étrangères de Gorbatchev, devenu proche de Boris Eltsine, Edouard Chevardnadze. Le pays bascule dans la guerre civile. Puis retrouve le calme sous le régime autoritaire de Chevardnadze. Ce dernier est renversé par une révolution pacifique le 22 novembre 2003. Commence une ère démocratique, mais les problèmes ne sont pas pour autant finis. 

Avant l'Ukraine, Poutine avait sévi en Géorgie

Pour la Russie, en effet, le pays doit demeurer dans sa sphère d’influence. Or, la Géorgie se rapproche de l’Europe et du monde occidental. Poutine décide donc de l’affaiblir en relançant la guerre interne et en détachant les provinces russophones. Un processus proche de ce qui s’est passé en Ukraine, plus tard, en 2014. Mais en 2008, la Géorgie est une première : milices pro-russes dans ces régions ; envoi de troupes… La guerre éclate. Le président français, Nicolas Sarkozy, intervient rapidement et facilite la fin des hostilités par une médiation qui avalise les positions russes.

Depuis, la tension n’est que faiblement retombée. Et elle est revenue avec l’élection d’une majorité au parlement qui cherche à éviter toute confrontation avec la Russie. Selon la présidente du pays, élue en 2018, Salomé Zourabichvili, la Russie n’a qu’un but : briser les relations de cette jeune démocratie avec l’Europe. D’où le projet de loi contre les financements étrangers pour faire taire les pro-occidentaux. Une méthode déjà testée à Moscou.

Aujourd’hui comme depuis des millénaires, les Géorgiens tentent d’échapper aux visées hégémoniques de leurs voisins et de construire leur propre destinée. Leur courage peut changer l’histoire.

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