Diederik Stapel, le scandale d'un chercheur qui truquait ses études
L'histoire commence au mois d'août, aux Pays-Bas, à l'université de Tilburg.
Pierre Barthelemy la raconte sur le blog Passeur de sciences. L'été dernier, donc, trois jeunes chercheurs mettent les pieds dans le plat. Ils n'arrivent plus à croire un de leur collègue, un certain Diederik Stapel. Ils sont persuadés que ce chercheur publie de faux résultats. Pourtant, Didierik Stapel n'est pas n'importe qui. Aux Pays-Bas, ce chercheur est une sommité, un spécialiste de psychologie sociale. Il a réalisé des centaines d'expériences, publié des dizaines d'articles, par exemple sur les discriminations et sur les stéréotypes. Il est très fort. Quand il émet une hypothèse, il la vérifie, dans son coin, et à chaque fois, ou presque, il la valide. L'expérience confirme la théorie. Diederik Stapel ne se trompe presque jamais.
C'est trop beau pour être vrai. Ce succès est anormal. Tous les scientifiques le savent : pour avancer, il faut d'abord se tromper, tatonner avant d'obtenir, parfois, des résultats. Quand l'alerte est donnée, trois universités ouvrent une enquête sur les travaux du spécialiste. Des commissions reprennent toutes les études qu'il a publiées depuis 1993, et tout le matériel qu'il a utilisé : les questionnaires pour les expériences, les jeux de données, etc. La conclusion est terrible : sur les 137 articles que Diederik Stapel a publiés, 55 contiennent des données inventées ou falsifiées. Plus grave encore, le Néerlandais a fourni de faux résultats à dix étudiants qu'il supervisait. Autrement dit, il a contaminé leurs thèses avec ses mensonges.
Le blog Passeur de sciences explique la méthode. Diederik Stapel élaborait des expériences de psychologie avec ses collègues puis il leur expliquait qu'il les réaliserait dans d'autres universités. Mais en fait, il n'effectuait pas les expériences. Il remplissait lui-même les tableaux de données, et il jetait les questionnaires vierges à la poubelle. Il allait jusqu'à manger les paquets de friandises censées servir de récompenses aux participants de ses tests !
Pendant plus de dix ans, il a réussi à tromper son entourage. Il y a quelques années, plusieurs collègues se sont posés des questions. Ils se sont manifestés auprès de l'université mais personne ne les a écoutés. Des revues scientifiques prestigieuses ont continué à publier les travaux de Diederik Stapel sans s'étonner que ses résultats soient toujours aussi excellents. Aujourd'hui, elles doivent se rétracter sur plus de trente articles. Cette affaire remet en cause leur système de contrôle. Diederik Stapel, lui, a été démis de ses fonctions. Il le dit : il était devenu "accro" au succès scientifique. Il avait pris goût à cet engrenage : "chercher, découvrir, tester, publier, avoir du succès et être applaudi ". La vérité n'avait plus aucune importance.
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