Indonésie : un biologiste marin convainc les braconniers des coraux d’en devenir les protecteurs et fait repousser onze hectares de récif
Syafyudin Yusuf, 54 ans, prouve qu’il n’y a pas de reconversions impossibles. Depuis 20 ans, il étudie l’archipel de Spermonde, un chapelet de 120 îles paradisiaques protégé par une immense barrière de corail, barrière en convalescence puisque les coraux y ont quasiment disparu, décimés par trente ans de braconnage. Dans les années 1980, pour répondre à la demande de poissons exotiques et profiter du boom de ce nouveau marché, beaucoup de pêcheurs locaux se sont mis à la pêche à l’explosif qui consiste tout simplement à balancer du TNT dans le récif pour en faire sortir les poissons qui y trouvent refuge. Une pratique qui s’est généralisée au point de transformer ce milieu merveilleux, grouillant de vies multicolores, en un véritable cimetière.
C’est dans un état de délabrement extrême que le biologiste marin a trouvé la barrière de corail lorsqu’il s’est installé pour l’étudier. Il a donc progressé par étapes : d’abord observer, ensuite diagnostiquer, publier ses résultats et enfin, aller au-delà de la simple constatation et agir, trouver une solution pour restaurer ce qui pouvait l’être. Et pour ce faire, il a décidé de parler avec les braconniers, de les impliquer. "Je me suis intéressé à leurs vies, explique-t-il à l’agence Reuters, j’ai partagé leur quotidien, je suis entré dans leur cercle."
"Toucher des esprits et les consciences"
Syafyudin Yusuf comprend que ces hommes pêchent à la dynamite parce que c'est l’option la plus rémunératrice qui s’offre à eux : piller leur propre ressource pour la revendre sur les marchés de produits exotiques en pleine expansion. L’explosif s’est imposé pour pêcher plus. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien, ni pour les marchés étrangers, ni pour les estomacs locaux. Le biologiste leur a donc proposé un emploi inattendu : devenir à ses côtés les gardiens et les reconstructeurs de la barrière de corail.
Une poignée d’entre eux a dit oui, et les autres ont suivi, comprenant que leur intérêt numéro un, le retour des poissons, dépendait de la restauration des coraux. La technique est affaire de patience : il s’agit de cultiver des pousses de corail dans des aquariums avant de les repiquer dans le lagon, et cela fonctionne.
Aujourd’hui, Syafyudin Yusuf peut s’enorgueillir d’avoir fait revivre plus de onze hectares de récif. Il dit que c'est modeste mais que rien n’est impossible, qu’il faut juste "toucher des esprits et les consciences". La nature, ensuite, reprend très vite ses droits. Encore faut-il les lui laisser.
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