Édito
RN et "arc républicain" : cacophonie au sommet de l'État

La majorité continue de s’arracher les cheveux autour de la notion "d’arc républicain", en cherchant à se positionner vis-à-vis du Rassemblement national. Dernier épisode en date, lundi matin avec Emmanuel Macron qui contredit son Premier ministre dans une interview.
Article rédigé par Agathe Lambret
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Gabriel Attal et Emmanuel Macron, lors de l'hommage à Robert Badinter, le 9 février 2024, à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Le RN ne s'inscrit pas dans l'arc républicain", semble trancher le président dans une interview au journal communiste l'Humanité, le 18 février. Une prise de distance en apparence très nette avec les propos de Gabriel Attal. Récemment, à deux reprises, le Premier ministre a expliqué que, selon lui, "l'arc républicain, c'est l'hémicycle", tout l'hémicycle donc, Rassemblement national et France insoumise compris. Des propos qui ont suscité l'émoi dans la majorité, alors qu'Élisabeth Borne prônait exactement l'inverse. Olivier Véran, désormais ancien ministre, se félicite de pouvoir désormais "la rouvrir", et lui aussi, a pris le contre-pied de Gabriel Attal et exclu le RN de l'arc républicain. C'est la cacophonie au sommet de l'État.

Le président semble trancher, mais en contredisant son Premier ministre, Emmanuel Macron se contredit lui-même. Interrogé il y a quelques jours à Bordeaux à la suite des propos de Gabriel Attal, Emmanuel Macron était allé dans son sens, jugeant tout à fait normales les discussions avec le RN. Le président était même allé jusqu'à assumer "de constituer des majorités qui puissent être complétées ou grossies par des voix venant du RN". Des propos étranges quand on sait qu'au moment du vote de la loi immigration, Emmanuel Macron avait expliqué que le texte ne devait pas passer grâce aux voix du Rassemblement national.

La notion "d'arc républicain", un piège pour la macronie

Et ce ne sont pas les seuls paradoxes du président, dans l'Humanité, le chef de l'État estime que "les forces d'extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes à la panthéonisation de Missak Manouchian, compte tenu de la nature du combat du résistant communiste". Il renvoie ainsi le RN à son passé, alors que, quand Élisabeth Borne avait jugé que le RN était l'héritier de Pétain, le chef de l'État l'avait vertement recadrée, expliquant que le combat contre l'extrême droite ne devait plus passer "par des arguments moraux".

Il n'est pas simple d'abord de justifier d'exclure de son champ des partis représentés dans les institutions de la République. Ensuite, il est difficile d'évincer le RN quand on reprend certaines de ses idées et que les troupes de Marine le Pen votent comme un seul homme les propositions de la majorité. Finalement, ce débat sur la définition de l'arc républicain est l'arbre qui cache la forêt, ou plutôt qui cache l'absence de ligne claire des macronistes quand il s'agit de lutte contre le RN.

À moins de quatre mois des élections européennes, en répétant que le parti de Marine Le Pen est hors de l'arc républicain, Emmanuel Macron veut sans doute raviver le clivage populistes/progressistes qui lui avait réussi en 2019. Mais c'est oublier que les valeurs ne sont pas un combat à la carte et pendant que la macronie se divise, aucun arc ni aucun champ n'empêche Marine le Pen d'avancer, inexorablement.

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