Loi renseignement : entre tactique politique et vieilles histoires
Il s’agit d’abord d’un coup politique. Des parlementaires avaient commencé à se rassembler pour saisir le Conseil constitutionnel. François Hollande leur a coupé l’herbe sous le pied. Il a surtout tenté avec cette décision d’endiguer la contestation qui monte. Ils sont de plus en plus nombreux, parlementaires, associations, organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l’Homme, organisations de journalistes à dire et à répéter que cette loi, c’est un big brother , bien pire que le 1984 de George Orwell.
Une surveillance très étendue. L’une des grandes inquiétudes des détracteurs de la loi renseignement, ce sont le nombre de motifs qui permettront de mettre n’importe qui sur écoute : il y a le terrorisme et il y a six autres raisons qui vont de la reconstitution de mouvement dissous jusqu’à l’exécution d’engagements européens. Bref, des motifs qui frôlent les pensées politiques.
Mais sur le plan politique, qui s’oppose à cette loi ?
C’est assez hétéroclite, Il y a l’extrême gauche, des écolos, quelques socialistes, beaucoup de centristes, des députés UMP et l’extrême droite. Même des membres du gouvernement, au-delà de Christiane Taubira - on en a déjà parlé -, expriment leur réserve, hors-micro… Beaucoup pensent donc que saisir le Conseil constitutionnel est une bonne chose. Non pas pour ce que le conseil va dire, probablement pas grand-chose, mais parce que son futur regard aura une influence sur ce qu’il reste de débats. En effet, le texte de loi, après son passage à l’Assemblée nationale, est devant le Sénat. C’est l’ultime chance d’y changer encore des choses.
La menace de remarques sévères des sages pourrait donc inciter le gouvernement à adoucir certaines dispositions. C’était peut-être l’autre motivation de François Hollande. D’après un secrétaire d’Etat, le chef de l’Etat peut ainsi faire infléchir, un peu, les positions plutôt intransigeantes de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve. Il faudra encore vérifier tout ça dans les faits. Mais comme le résume ironiquement, hors micro toujours, un ministre : " l’initiative du Président n’est pas un plébiscite pour le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur ".
On résume : si la majorité des parlementaires est favorable à la loi sur le renseignement, si la majorité des Français est favorable à la loi sur le renseignement, pourquoi François Hollande prend-t-il autant de précaution ? C’est ce que font remarquer d’autres, comme un ministre qui le connaît très bien, le chef de l’Etat n’a pas l’air très à l’aise avec cette loi. Et François Hollande, très convaincu par cette loi, demande quand même qu’il soit vérifié qu’elle respecte vraiment notre Constitution. Pour quelqu’un de convaincu, on peut faire mieux.
Les Présidents et l’espionnage ou les écoutes, c’est une histoire souvent tumultueuse
Je ne vais pas vous parler de Paul Bismuth, on ne sait pas encore si ces écoutes-là étaient régulières. Mais de l’affaire des fadettes. Pour identifier les sources des journalistes du Monde dans l’affaire Bettencourt, le pouvoir d’alors, sous Nicolas Sarkozy, a utilisé la DCRI, c’est-à-dire des services de renseignement pour aller éplucher les listes d’appels vers des journalistes.
Un peu plus lointain, mais toujours fameux. François Mitterrand qui avait la fâcheuse manie de faire écouter beaucoup de monde, des opposants comme des actrices. Même s’il l’avait nié devant des journalistes de la Radio Télévision Belge de telles pratiques. "Je ne sais pas comment on fait les écoutes ", avait-il dit. À l’époque, il n’y avait ni téléphone portable, ni SMS, pas d’Internet. Mais déjà, la lutte contre le terrorisme qui sert à autre chose. Ca peut nourrir aujourd’hui encore quelques craintes…
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