Édito
Emmanuel Macron dans "C à vous" sur France 5 : une opération déminage réussie ?

Au lendemain de la crise déclenchée au sein de la majorité par le vote de la loi immigration, Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main mercredi soir sur France 5. Le chef de l’État revendique le "en même temps" de la loi.
Article rédigé par franceinfo, Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Emmanuel Macron, le 20 décembre 2023 dans l'émission "C à vous" sur France 5. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Emmanuel Macron s’est prêté mercredi 20 décembre à une longue opération déminage dans l’émission "C à vous", deux heures d’explication, d’autojustification. D’abord sur la défensive, lorsque le chef de l’État a récusé l’accusation d’avoir offert une "victoire idéologique" au Rassemblement national. À ses yeux, les délais imposés aux étrangers en situation régulière avant de percevoir des prestations sociales ne relèvent pas du principe discriminatoire de "préférence nationale" prôné par l’extrême droite. Ce texte, est même "une défaite du Rassemblement national", assure-t-il. 

S’il l’assume, en gros, il le critique en détail. Par exemple la caution exigée pour les étudiants étrangers, une "mauvaise idée" selon lui, qui soulève la colère des présidents d’université, et qu’il va falloir "corriger". Il reconnaît même compter sur le secours du Conseil constitutionnel pour censurer certaines dispositions. Est-ce que la posture est surprenante ? Oui… et non. Ce n’est pas la première fois qu’un président transmet lui-même un texte au Conseil constitutionnel en anticipant la censure de certains articles. C’est même son rôle de s’assurer de la validité de la loi auprès des Sages. Plus encore quand le texte n’est que le fruit d’un compromis imparfait qui ne lui fait pas "faire des bonds de joie".

Conquérir l'électorat populaire passé à l'extrême droite

On était loin mercredi soir du Président doté d’un pouvoir vertical et légiférant à coups de 49-3. Pédagogue, minutieux, assez bavard, comme souvent, Emmanuel Macron ne s’est montré cassant qu’avec sa ministre de la Culture, coupable d’avoir enclenché trop vite une procédure de retrait de la légion d’honneur à Gérard Depardieu sur la base de la diffusion de "propos choquants" dans un "reportage télévisé".
 
Cette émission peut-elle suffire à Emmanuel Macron pour rassurer sa majorité ? Sans doute pas. D’autant que l’équation politique se complique avec une Première ministre affaiblie, un gouvernement fébrile et une majorité relative et fragmentée. Mais on a compris mercredi que pour se refaire une santé, le président mise davantage sur l’opinion que sur les parlementaires, sur les électeurs plutôt que sur les bonnes âmes de la gauche. Avec sa loi sur l’immigration, il prétend changer la vie dans les quartiers populaires qui subissent, plus que les quartiers cossus, des désagréments liés à l’immigration clandestine. C’est cet électorat, largement passé à l’extrême droite, qu’il veut reconquérir, quitte à lui faire miroiter des mesures musclées qui suscitent des états d’âme jusque parmi certains de ses soutiens.

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