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Édito
Meurtre de Philippine à Paris : les politiques doivent-ils légiférer ?
Les défaillances qui ont conduit à la remise en liberté du meurtrier présumé de la jeune Philippine amènent certains politiques à vouloir déjà légiférer. Les députés du groupe Droite républicaine présidé par Laurent Wauiquiez ont déposé, jeudi 26 septembre, une proposition de loi pour allonger la durée de rétention des "étrangers clandestins dangereux" de 90 à 135 jours, voire 210 jours "pour un étranger condamné pour un crime". De même, pour améliorer la mise en œuvre des obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées à des étrangers expulsables, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau réunira mardi les préfets des 21 départements les plus concernés.
Certains s’inquiètent de voir les politiques légiférer dans l’urgence, sous le coup de l’émotion. Le fameux réflexe, "un fait divers, une loi". Par le passé, certains en ont parfois un peu abusé, mais l’émotion est légitime, et tous les camps y cèdent. La droite, comme la gauche. On a par exemple en mémoire l’image du corps sans vie du petit Aylan, cet enfant syrien de trois ans, échoué en 2015 sur une plage de Turquie. Des politiques s’en étaient emparés pour alerter à raison sur le sort des migrants en Méditerranée. De même, la gauche s’est saisie de l’émotion suscitée par la mort du jeune Nahel lors d’un contrôle policier en 2023 pour réclamer un changement du texte autorisant les policiers à recourir à leur arme.
Le choix du vocabulaire
Les failles dont a profité le meurtrier présumé de Philippine interpellent directement l’efficacité des services de l’État, et la crédibilité de la parole publique. Il est indispensable que les gouvernants y répondent rapidement. S'il y a un risque de récupération politique, il se situe ailleurs. D’abord dans le recours à un vocabulaire caricatural, sans rapport avec le réel. À en croire Jordan Bardella, "nos dirigeants" laisseraient délibérément "en liberté" ceux qu’il appelle des "bombes humaines". Ensuite, dans le mécanisme dit de "l’essentialisation", qui conduit l’extrême droite à faire de l’origine d’un individu la cause de son passage à l’acte. Ainsi, pour le même Jordan Bardella les étrangers en situation irrégulière deviennent des "prédateurs importés". On sait pourtant que plus de 80% des agresseurs sexuels se situent dans l’entourage proche, et souvent familial, de la victime. Une proportion illustrée en ce moment même par le terrible procès de Mazan, une affaire que le RN, pour l’heure, n’a pas commenté.
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