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Édito
En jugeant "probable" la victoire de Marine Le Pen en 2027, Gérald Darmanin défie un peu plus Emmanuel Macron

Le ministre de l'Intérieur, qui s'est vu refuser Matignon il y a quelques semaines, a plus que jamais engagé un bras de fer avec le président de la République. L'édito politique d'Agathe Lambret.
Article rédigé par Agathe Lambret, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Gérald Darmanin le 24 août 2023 aux Monts d'Arrée. (LOIC VENANCE / AFP)

Décidément, Gérald Darmanin n’en finit plus de jouer sa petite musique. Après avoir affiché son ambition pour 2027, il défie maintenant le président dans ce qui est à la fois une rébellion et un affront. Alors que mercredi 23 août, Emmanuel Macron a dit ne pas vouloir que Marine Le Pen lui succède à l’Élysée, et que c’était de sa responsabilité de faire en sorte de l’éviter, jeudi 24 août, Gérald Darmanin juge qu’une victoire de cette même Marine Le Pen est "probable".

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Il explique même que ce serait la faute des macronistes. "Il ne faut pas se fonder seulement sur les gagnants de la mondialisation", met en garde le ministre de l'Intérieur. Comprendre : le seul en capacité de parler aux classes populaires dans la majorité, c’est lui. C’est un peu comme si Gérald Darmanin n’avait plus aucun filtre : il n’intervient pas quand le patron de la police nationale tient des propos qui embarrassent le président, il parle ouvertement de 2027, il organise une rentrée aux airs de lancement de campagne, et quand le patron de Renaissance l'avertit dans Le Parisien, l’ambitieux répond sèchement dans le même journal qu’il n’a pas de leçon de loyauté au président à recevoir. Rien ne semble pouvoir arrêter ce ministre lancé à toute vitesse.

Un ego blessé et une liberté à reprendre

Mais alors pourquoi Gérald Darmanin prend-il autant de libertés ? Il ne faut pas sous-estimer le poids de la blessure narcissique en politique. Matignon, Gérald Darmanin y croyait vraiment, et il avait toutes les raisons de s’y projeter puisque c’était quasiment fait ! Mais le président, à la dernière minute, a changé d’avis, et ça, son ministre ne l’a toujours pas digéré. Pour lui, le meilleur espoir du gouvernement, qui a gravi inexorablement les échelons et fonctionné consciencieusement par étapes, la désillusion est cruelle. Trois ans à Beauvau, c’est trop pour son ordre des choses. Absurde, aussi, de se faire doubler par Élisabeth Borne, une technocrate issue de la gauche quand le Rassemblement national n’a jamais été aussi haut.

Celui qui la jouait super loyal passe en mode bulldozer et casse la table et les chaises.

Agathe Lambret, éditorialiste politique

à franceinfo

En fait, Gérald Darmanin reprend sa liberté. Il n’a pas obtenu Matignon ? Soit. Il se lance pour 2027. Mais le ministre de l’Intérieur joue avant tout le rapport de force avec le président, et teste Emmanuel Macron, dans une bataille qui fleure bon la testostérone, et comme le chef de l’Etat n’est pas homme à se laisser tordre le bras, le rebelle prend des risques.

Dans la majorité, on le compare désormais à Arnaud Montebourg. Rappelez-vous, le 24 août 2014, depuis Frangy-en-Bresse, le ministre avait raillé la "cuvée du redressement" de François Hollande. Le lendemain, il n’était plus au gouvernement. 

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