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Édito
Derrière le drame de Crépol, le mythe des deux France
Le drame de Crépol serait, selon certains, l’illustration d’un pays au bord de la guerre civile. Un récit attisé par les deux partis siamois de l’extrême droite, le Rassemblement national et Reconquête. Avec leurs mots, Jordan Bardella et Marion Maréchal fustigent, l’un une "razzia" de "l’immigration incontrôlée" ou les "racailles des cités" qui seraient partis à l’assaut d’une France rurale paisible pour laisser libre cours, selon l’autre, à leur "racisme anti-blanc" et y commettre un "francocide". La préfiguration d’un avenir communautaire apocalyptique et ce fantasme d’une "guerre des civilisations" est alimenté en écho par Jean-Luc Mélenchon quand il se préoccupe du sort des quartiers défavorisés au nom de la défense de l’islam et des musulmans.
Mais électoralement, il est vrai qu’un fossé s’est creusé entre ces deux France. Depuis des années, l’extrême droite s’enracine dans la France rurale et péri-urbaine quand les Insoumis progressent dans les banlieues. Il ne faut pas nier les tensions qui nourrissent ces votes identitaires. La société française s’émiette, se fracture, comme l’ont montré, par exemple, les travaux du politologue Jérôme Fourquet sur l’"Archipel français".
Malgré tout, le modèle français résiste
Le pays change mais c’est toujours un pays car au fond, la France rurale et péri-urbaine d’un côté, celle des banlieues populaires de l’autre, sont les deux faces d’une même "France des oubliés". Elles ont plus de points communs que d’oppositions. Elles ont en commun la question sociale et la République. La première impose de lutter, dans les zones rurales comme dans les quartiers, contre les mêmes maux - les inégalités, la pauvreté, le manque d’activité - avec les mêmes outils, l’État, des services publics renforcés, et d’abord l’école. Quant à l’esprit républicain, il a permis au pays de surmonter depuis près de dix ans, des crises spectaculaires - le terrorisme islamiste, le mouvement des gilets jaunes, le Covid, et d’autres - sans se disloquer.
Et depuis deux mois, malgré la montée des actes antisémites, le modèle français résiste au fameux risque d’importation du conflit au Proche-Orient. Voir près de 200 000 personnes dans les rues contre l’antisémitisme et pour la République ou observer des rassemblements de soutien aux victimes palestiniennes de Gaza se dérouler dans le calme, c’est la preuve que, malgré les apprentis sorciers qui soufflent sur les braises à Crépol et ailleurs, la France est loin, très loin, d’être au bord de la guerre civile.
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