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Édito
Coupe du monde 2022 : en demande-t-on trop aux joueurs ?

Les Bleus sont arrivés mercredi 16 novembre au Qatar, où la Coupe du monde de football débute dimanche. Un choix fortement décrié qui a incité les joueurs à s’engager.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le capitaine de l'équipe de France de football Hugo Lloris à Clairefontaine (Yvelines) le 14 novembre 2022 (LP/OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)

Jamais les joueurs de foot n’ont été sommés aussi fortement de prendre des positions politiques à l’occasion d’une Coupe du monde. Certains capitaines, ceux des équipes belge, suisse et galloise par exemple, porteront des brassards arc-en-ciel pour dénoncer l’homophobie du régime qatarien ; les joueurs néerlandais et anglais doivent rencontrer des travailleurs étrangers qui ont participé à la construction des stades. Et les Bleus se sont engagés, eux, à soutenir des ONG qui œuvrent en faveur des droits humains, à travers le fonds de dotation qu’ils ont créé pour financer des actions sociales et humanitaires. Tout cela malgré les propos de certains dirigeants, qui répètent qu’il ne faut pas mélanger foot et politique.

C'est un argument éculé. La politique s’est toujours mêlée du foot, et dans l’histoire, de nombreux  joueurs se sont mêlés de politique. Après l’Anschluss, en 1938, la vedette autrichienne Mathias Sindelar a refusé de jouer pour le Troisième Reich. En 1974, le Chilien Carlos Caszely a refusé de serrer la main de Pinochet. Ou encore dans les années 80, Socrates a pris la tête de la rébellion contre la dictature au Brésil.

Les joueurs sous pression

Ce qui est plus nouveau, c’est la pression de l’opinion et des médias. On le comprend à la lecture du communiqué publié par les Bleus : "Dans le contexte troublé de cette Coupe du monde, disent-ils, nous rappelons notre attachement au respect des droits humains, notre refus de toute forme de discrimination. Notre passion ne doit pas être la cause du malheur de certains." Un acte de contrition, presque un mot d’excuse pour avoir le droit d’aller jouer au foot au Qatar. Or, si certains doivent s’excuser pour le choix de ce pays, ce sont les dirigeants de la Fifa. Pas les joueurs qui n’y sont pour rien !

>> Les autres sélections présentes au Qatar en font-elles plus que les Bleus pour défendre les droits humains ?

Cette pression publique sur les footballeurs est sans doute inévitable au vu de la puissance planétaire de ce sport. Les joueurs sont devenus des icônes. Mais les politiques qui veulent les ériger en modèles devraient se méfier, parce que cette instrumentalisation peut leur revenir en boomerang.

En 1998, les Bleus champions du monde furent érigés en héros d’une France "black-blanc-beur" harmonieuse. En 2010, lors de la débâcle de Knysna, en Afrique du Sud, ils étaient devenus dans la bouche de certains élus des "caïds immatures" symbolisant le délitement de la Nation. Dans les deux cas, ils n’étaient pourtant que des gamins qui jouent au ballon, avec plus ou moins de talent… et de réussite.

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