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La décentralisation menace-t-elle l'égalité ?

Le gouvernement Ayrault met la dernière main à l'acte III de la décentralisation, qui devrait être présenté en mars au conseil des ministres. Celui-ci prévoit notamment une application des textes différente d'une région à l'autre : une menace pour l'égalité entre les territoires ?
Article rédigé par franceinfo
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Ce sera l'un des points forts de la réforme que prépare la ministre Marylise Lebranchu : une décentralisation à la carte, avec des situations variant d'une région à l'autre . Dans le Grand Lyon, par exemple, la métropole va remplacer le département. De même, dans chaque région, une conférence territoriale de l'action publique réunira les élus et le préfet pour décider qui fait quoi.

En fait, il s'agit davantage d'une évolution que d'une révolution. Car la France est moins uniforme qu'on ne le croit. Paris, par exemple, est à la fois ville et département. En Alsace et en Moselle, les prêtres, les pasteurs et les rabbins sont payés par l'Etat - exception validée le 22 février par le Conseil constitutionnel. La Corse et l'outre-mer disposent de statuts particuliers. Les règles électorales ne sont pas les mêmes à Paris, à Lyon et à Marseille. Etc.

Il n'empêche. Dans un pays de tradition jacobine comme la France, cette évolution ne plaît évidemment pas à tout le monde . Jean-Luc Mélenchon dénonce "ces lois à géométrie variable" , cette "machine à déchiqueter la République" qui fragilise selon lui l'unité nationale. Comme le dirigeant du Front de gauche, beaucoup en sont persuadés : trop de décentralisation menacerait l'égalité entre les citoyens.

Ce point de vue est tout à fait respectable, mais, si je puis me permettre, il repose sur deux erreurs de raisonnement.

La première erreur consiste à croire que l'Etat assure l'égalité . Si cela était vrai, l'Etat ne laisserait pas se multiplier les déserts médicaux.
L'Etat ne concentrerait pas à Paris les grandes institutions culturelles du pays, payées par tous les Français, en laissant aux villes de Province le soin de financer elles-mêmes leurs musées. Et le ministère de l'Education nationale n'enverrait pas les jeunes profs inexpérimentés dans les établissements scolaires les plus difficiles de banlieue. Je pourrais continuer cette liste encore bien longtemps. Non, décidément : plus d'Etat, ce n'est pas forcément plus d'égalité.

La deuxième erreur consiste à penser que la décentralisation augmente les inégalités
. C'est plutôt l'inverse. Depuis que les lycées ont été confiés aux régions, qui peut dire que les locaux des établissements des centres-villes ont été favorisés par rapport à ceux des banlieues et des campagnes? Personne, évidemment. Et pourquoi? Parce qu'avec la décentralisation, les responsables sont plus proches et mieux identifiés. En conséquence, les électeurs peuvent les sanctionner lors des élections, ce qui n'est pas possible lorsqu'une décision est prise par un obscur chef de bureau d'un ministère parisien.

Evidemment, la Creuse, très pauvre, ne pourra jamais lutter à armes égales avec les très riches Hauts-de-Seine. C'est bien pourquoi la décentralisation doit s'accompagner d'une puissante politique d'aménagement du territoire menée par l'Etat, ce qu'il ne fait pas, hélas. Mais c'est un autre débat.

En prévoyant une décentralisation à la carte, le gouvernement prend donc simplement acte d'une réalité : la France est diverse et il serait stupide de traiter la Lozère comme Paris. L'important, au fond, n'est pas de savoir qui fait quoi, mais de s'assurer que le service public est assuré partout. N'en déplaise à Jean-Luc Mélenchon, qui confond parfois égalité et uniformité.

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