Faut-il limiter le cumul des mandats ?
On a
coutume de caricaturer les partisans du cumul des mandats en élus assoiffés de
pouvoir, cherchant à tout prix à concentrer entre leurs mains un maximum de
fonctions et d'indemnités. Ce n'est pas toujours faux, certes, mais c'est
beaucoup plus compliqué que cela.
L'un des arguments des défenseurs du cumul
mérite notamment que l'on s'y arrête. Ne vaudrait-il mieux pas que
les députés et les sénateurs gardent un mandat de maire, de président de région
ou de département, afin que les lois soient votées par des élus proches des
Français, et éviter au Parlement de devenir un rassemblement de technocrates
coupés du terrain ?
La plaidoirie, on le voit, est habile, même si elle n'est pas convaincante. En général, un député ou un sénateur est élu
après avoir été maire, conseiller général ou régional. Les
parlementaires ont donc déjà l'expérience du terrain. Ce n'est pas un souci. Le problème est qu'ils ne sont pas disponibles
pour exercer correctement leurs nouveaux mandats. Car personne ne peut occuper
en même temps deux fonctions aussi prenantes que maire et député. La vérité,
c'est que la plupart des parlementaires
ne sont à Paris que le mardi et le mercredi. Et encore, ils consacrent
une partie de leurs journées à s'occuper de leurs dossiers locaux ! Si
bien que les députés et les sénateurs remplissent très mal l'une de leurs
missions : le contrôle du gouvernement.
L'argument selon lequel il serait nécessaire de
cumuler pour voter de bonnes lois peut même se retourner. Car c'est souvent
parce qu'un parlementaire est en même temps un élu local qu'il ne se comporte
pas en élu de la Nation ce qui est son rôle mais en simple défenseur de sa
circonscription. On voit ainsi parfois des lois votées surtout en fonction de
considérations locales.
Alors, il y a le cas
particulier du Sénat. Le socialiste François Rebsamen estime le cumul est justifié
pour les sénateurs dans la mesure où le Palais du Luxembourg c'est écrit dans
la Constitution "assure la représentation des collectivités
territoriales" . Mais là encore, l'argument ne tient pas. Car, même sans
cumuler, les sénateurs continueront d'être désignés uniquement par les maires,
les adjoints, les élus des départements et des régions, à la différence des
députés, qui, eux, sont élus par tous les Français. Ce mode de désignation très
spécifique des sénateurs continuera de faire d'eux les représentants des
collectivités locales, et ce, sans qu'il soit besoin de cumuler.
Bref,
l'argument selon lequel le cumul serait indispensable pour avoir des
parlementaires proche du terrain ne tient pas. Jusqu'à preuve du contraire, le
non-cumul est d'ailleurs la pratique majoritaire de la plupart des autres
démocraties européennes et, à ce que l'on sache, les lois n'y sont pas moins
bonnes qu'en France.
Notre pays
peut donc parfaitement passer au non-cumul, mais à deux conditions, toutefois.
Il faut d'abord améliorer le statut de l'élu que ce soit en matière de
formation, de sécurité sociale, de retour à l'emploi en cas de défaite, et
peut-être aussi d'indemnités, car il faut savoir qu'un maire d'une commune de
2.000 habitants, par exemple, ne perçoit que 1.634,63 euros, et c'est ce qui
conduit certains à vouloir cumuler.
Par
ailleurs, passer au non-cumul supposera aussi de franchir une nouvelle étape
dans la décentralisation pour éviter à un maire de devoir sans cesse se rendre
à Paris pour faire avancer ses dossiers. Une réforme qui, dans un pays aussi
centralisé que la France, ne sera pas facile à mettre en place.
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