Un miroir pour se regarder penser
Imaginez, vous vous regardez dans un miroir et votre crâne devient transparent, laissant apparaitre votre cerveau en pleine activité. Cela ressemble à de la science fiction ; mais avec le Mind-Mirror (qu'on pourrait traduire par le miroir de l'esprit), on y est presque.
Il ne s'agit pas réellement d'un miroir. En fait, c'est un écran vidéo sur lequel apparaît votre image prise par une caméra. Mais sur cet écran s'ajoute en surimpression, au niveau de votre crâne, grâce à des technologies de réalité augmentée, l'image d'un cerveau virtuel qui s'oriente dans l'espace en fonction des mouvements de votre tête et surtout qui change de couleur, des zones rouges vertes ou bleues s'allument et s'éteignent en fonction de votre activité cérébrale.
Comment ce dispositif mesure-t-il l'activité cérébrale ?
Un détail qui a son importance : pour pouvoir se mirer dans le Mind-Mirror il faut s'équiper d'un casque d'électroencéphalographie : un casque avec des électrodes qui captent et enregistrent les infimes variations électriques produites par les neurones.
Que permet de voir exactement ce dispositif ?
Anatole Lécuyer, directeur de recherche à l'INRIA, explique que "vous allez voir votre propre activité électrique sur un cerveau dans votre tête. (…) On peut essayer d’extraire certaines informations, certaines ondes ou rythmes cérébraux, qui sont révélateurs de certains états cérébraux ."
A quoi pourrait servir ce dispositif?
On peut imaginer l'utiliser pour du divertissement ou même pour de l'enseignement auprès d'étudiants en neurosciences par exemple. Mais la principale application concerne le domaine médical. Le Mind-Mirror pourrait être très utile pour un nouveau type de thérapie du cerveau que l'on appelle "Neurofeedback".
Anatole Lecuyer explique que "le principe du neurofeedback est assez simple. Si vous avez un retour sur votre activité cérébrale, vous êtes capable d’apprendre à contrôler progressivement cette activité cérébrale. Vous pouvez donc développer certaines activités de votre cerveau. Ce neurofeedback permet de soigner certaines pathologies, comme la dépression ou certains déficits attentionnels, ou bien encore de rééduquer des zones motrices après un accident vasculaire cérébral ."
Il existe déjà des thérapies de neurofeedback. Pour soigner la dépression, par exemple, les sujets doivent essayer de contrôler le niveau d'une jauge par la pensée sur un écran. Cette jauge est directement reliée à une activité électrique de leur cerveau impliquée dans leur dépression. En essayant de contrôler la jauge par la pensée, ils modifient le fonctionnement de leur cerveau en temps réel.
Qu'apporterait de plus le Mind-Mirror ?
L'hypothèse des chercheurs est que le fait de voir l'ensemble de son cerveau en action et en situation, dans sa propre tête, pourrait rendre ces traitements encore plus efficaces pour les patients. Cela reste à démontrer. Des tests viennent de débuter avec le concours de médecins de l'Hôpital de Rennes. Ces tests concernent le traitement de la dépression et de la rééducation motrice. Il faudra attendre encore deux ou trois ans pour avoir les résultats.
Plus généralement ces thérapies qui consistent à se voir penser pour agir sur son cerveau sont en plein essor. L'INRIA y croit beaucoup ; elle a même lancé une start-up en 2012 : Mensia Technologies pour développer les applications médicales du Neurofeedback et de l'électroencéphalographie temps réel.
Selon le PDG de cette start-up, Jean-Yves Quentel, ces nouvelles technologies pourraient à l'avenir changer notre façon de nous soigner : "L’idée c’est que, d’ici une demi-douzaine d’années facilement, vous allez dans votre pharmacie, vous achetez un casque avec une clé d’activation qui vous permet d’inscrire sur un site web où vous suivez un certain nombre d’exercices pour améliorer telle ou telle fonction dans votre cerveau ou réduire tel ou tel symptôme de votre condition. "
La start-up de Jean-Yves Quentel travaille aussi sur des logiciels permettant d'apprendre à gérer son stress. L'avantage de ce type de thérapies est qu'elles sont non invasives et évitent les médicaments qui peuvent avoir des effets secondaires. Alors rendez-vous dans quelques années pour voir si ces nouvelles thérapies et le Mind-Mirror ont tenu leurs promesses.
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