Infarctus: les femmes sont moins bien diagnostiquées que les hommes
Nous en parlons avec le Pr Claire Mounier-Véhier,
vice-présidente de la Fédération Française de Cardiologie.
Pr Mounier-Véhier : "L'étude montre que les mauvais
diagnostics sont dûs essentiellement au fait que les symptômes de l'infarctus
sont différents chez la femme : les médecins ont l'impression que la femme
fait une crise d'angoisse, et du coup ils font un diagnostic erroné. "
Donc l'infarctus ne se manifeste pas de la même manière dans
les deux sexes ?
Pr Mounier-Véhier : "L'infarctus ne se manifeste pas
toujours de la même façon chez les deux sexes. Traditionnellement, il provoque
une grande douleur dans la poitrine, avec une sensation d'étau. La douleur se
propage vers le bras, surtout le bras gauche, et parfois même vers la mâchoire.
C'est le tableau classique de l'infarctus, autrement dit de la crise cardiaque...
chez l'homme. Chez la femme, on peut retrouver les mêmes symptômes. Mais ils
peuvent aussi être complètement différents : par exemple des douleurs dans
le ventre, des nausées : c'est assez fréquent. Donc des symptômes qui
peuvent en effet ressembler à une crise d'angoisse. "
Ces erreurs de diagnostic font sûrement perdre un temps
précieux aux femmes qui font un infarctus : dans de nombreux pays, on
constate –et l'étude canadienne le confirme- qu'elles meurent davantage après
une crise cardiaque. Qu'en est-il en France ?
Pr Mounier-Véhier : "En France, la prise en charge de
femmes victimes d'un infarctus est moins performante que pour les hommes :
les médecins leur proposent moins souvent un test d'effort : 20% en moins
par rapport aux hommes. Ils leur prescrivent moins souvent une coronarographie,
autrement dit une radiographie des artères du cœur: 40% de chances en moins
d'en avoir une. Enfin, les femmes ont 30% de chances en moins de bénéficier
d'une angioplastie : ces techniques qui permettent de déboucher une
artère. "
Du coup, il y a plus de mortalité chez les femmes après un
infarctus ?
Pr Mounier-Véhier : "Les études réalisées en France
montrent qu'en 1995, 2000 et 2005 il y avait bien une surmortalité chez les
femmes. Une surmortalité de plus en plus faible au fur et à mesure des années.
Les écarts se sont resserrés. Cela n'est pas encore vrai de tous les pays
européens : mais aujourd'hui, en France, à âge égal, une femme ne meurt
pas plus qu'un homme après une crise cardiaque. "
On pense souvent, à tort, que les femmes souffrent moins de
maladies cardio-vasculaires que les hommes. C'était vrai dans le passé, cela
n'est plus vrai aujourd'hui. Pourquoi le cœur des femmes est-il plus fragile
aujourd'hui ?
Pr Mounier-Véhier : "La première raison, c'est qu'elles
ont une espérance de vie plus longue que les hommes : elles ont donc
davantage de temps pour développer des maladies cardiaques. Deuxième
raison : les femmes vivent aujourd'hui comme les hommes. Elles fument
beaucoup, longtemps et souvent plus que les hommes. Parfois même en association
avec la pilule contraceptive : tabac-pilule, c'est un cocktail explosif
qui augmente considérablement le risque de développer une maladie
cardio-vasculaire. Les femmes travaillent comme les hommes, sont soumises au
même stress. Comme les hommes, elles sont de plus en plus sédentaires, sujettes
au surpoids, à l'obésité ou au diabète : autant de facteurs de risque. "
Quelles sont les conséquences de ce mode de vie ? Que
nous disent les statistiques ? Combien de femmes font un infarctus chaque
année en France, comparativement combien d'hommes ?
Pr Mounier-Véhier : "Les conséquences sont
évidentes. Une étude française (FAST- MI) indique qu'en 2010, 25 % des
femmes âgées de moins de 60 ans a déjà fait un infarctus alors qu'elles
n'étaient que 10 % en 1995. Et après 60 ans, 100.000 à 120.000 infarctus/an en
France : combien d'hommes ? Combien de femmes ? "
Quels sont les conseils à donner aux femmes pour prévenir
l'infarctus du myocarde ?
Pr Mounier-Véhier : "Ne pas fumer. Ne pas fumer et
prendre la pilule en même temps. Eviter la sédentarité et le surpoids. A partir
de 40 ans, elles devraient commencer à surveiller leur cholestérol et leur
tension. "
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