Médias : Cyril Hanouna sera bien auditionné le 14 mars à l’Assemblée nationale
Quentin Bataillon est député Renaissance de la première circonscription de la Loire et il préside la commission d'enquête parlementaire sur l'attribution des fréquences de la TNT, la télévision numérique terrestre, initiée par la France insoumise. L’objectif : Faire toute la lumière sur les pratiques de ces chaînes dont Quentin Bataillon rappelle que les fréquences appartiennent à l’État et que de fait, elles sont soumises à un cahier des charges incluant, par exemple, le pluralisme des débats ou encore la diversité. "La TNT doit rester un espace protégé et plus réglementé que les autres espaces télévisés et je pense que c'est extrêmement important", dit-il. Cette commission entend actuellement tous les acteurs de l’audiovisuel concernés, notamment les dirigeants et journalistes de CNews, chaîne que l’Arcom est sommée par le Conseil d’État de mieux contrôler. En parallèle, c’est mercredi 28 février qu’est lancé le processus de renouvellement des chaînes TNT. Sont concernées : TMC, TFX, LCI, W9, Gulli, Paris Première, BFMTV, NRJ 12, Canal+, C8, CNews, CStar, Canal+ Sport, Canal+ Cinéma et Planète+ dont l’autorisation d’émettre arrive à échéance en 2025 et qui ont jusqu’au mois de mai pour candidater.
franceinfo : Un appel à candidatures est lancé mercredi par l'Arcom, le régulateur des médias. Tout éditeur peut postuler pour décrocher l'une des 15 fréquences remises en jeu pour une durée de dix ans. Vous, parallèlement à cette procédure, à l'Assemblée nationale, vous auditionnez depuis plusieurs semaines des acteurs de l'audiovisuel. Quel est le but de cette commission d'enquête ?
Quentin Bataillon : Permettez-moi, juste avant de répondre à la question, d'avoir un message de solidarité envers les employés du groupe Casino puisque l'entreprise Casino a son siège social dans ma circonscription à Saint-Etienne et effectivement, ce sont des moments difficiles à la fois pour ses employés mais aussi pour l'ensemble du territoire. Pour répondre à votre question, la commission d'enquête a été demandée par la France insoumise. Son rôle, c'est d'étudier le cadre de ces chaînes TNT. Ces chaînes TNT, rappelons-le, ont des fréquences qui appartiennent à l'État. L'État met à disposition des sociétés, ces fréquences à travers des conventions et gratuitement. La TNT doit rester un espace protégé et plus réglementé que les autres espaces télévisés et je pense que c'est extrêmement important.
En fait, vous voulez contrôler le contrôleur ?
C'est un peu l'idée. L'idée, c'est effectivement d'aller voir le rôle de l'attribution du contenu et du contrôle de ces chaînes. La commission d'enquête n'a pas vocation à donner un avis sur le renouvellement ou le non-renouvellement d'une chaîne, ça, c'est extrêmement important. On n'est pas dans du prospectif, on est plutôt au contraire dans l'enquête de voir si tout fonctionne correctement, si le cadre est le bon. Je pense qu'il faut se mettre du côté des Françaises et des Français : est-ce qu'on peut être satisfait de ce que nos concitoyens ont à la télévision ?
Quand on met en place une commission d'enquête parlementaire, généralement, c'est qu'il y a un problème. Vous trouvez qu'il y a un problème ?
C'est un peu tôt pour le dire parce qu'on n'a pas fini l'enquête. Nous avons fait le choix de vraiment aller au bout du travail. Nous avons des tables rondes avec des chercheurs, nous sommes aussi en lien avec l'ensemble des citoyens, tous ceux qui le souhaitaient. Nous sommes allés voir l'ensemble des obligations des conventions, l'ensemble des obligations, ce n'est pas seulement le pluralisme, c'est aussi la publicité, c'est aussi la diversité, c'est aussi l'ensemble de l'accès, notamment aux non-voyants, c'est l'ensemble de toutes ces obligations.
Quand la France insoumise propose cette commission d'enquête, elle a derrière la tête, l'idée du problème C8 ou CNews, qu'elle ne considère pas à la hauteur en matière de pluralisme.
Oui, j'ai bien compris qu'il y avait des chaînes et des groupes qui étaient ciblés par la France insoumise. En tout cas, mon rôle en tant que président, c'est de veiller au bon fonctionnement de la commission d'enquête. Si nous voyons jeudi le groupe Canal+, c'est parce que nous avons déjà vu tous les autres groupes, toutes les autres chaînes, avant. Donc toutes les obligations ont été balayées. Nous avons d'ailleurs vu des sujets extrêmement importants concernant l'information avec BFMTV. Demain, nous avons des séquences importantes.
Jeudi, Maxime Saada, le patron de Canal+, sera auditionné et puis plusieurs figures de CNews comme Pascal Praud, Laurence Ferrari et Sonia Mabrouk. Pourquoi des journalistes ? Vous ne l'avez pas fait pour BFMTV, par exemple.
Je pense que c'était extrêmement important. Ce sont des journalistes qui, eux aussi, font vivre le sujet du pluralisme. Ils ont fait toutes et tous des éditos extrêmement durs, notamment vis-à-vis de la décision du Conseil d'État sur laquelle nous pourrons revenir. Donc, pour moi, il était important que le lieu de la contradiction, le lieu de la confrontation, soit justement cette commission d'enquête.
"Il est important qu'on n'ait, pas seulement les patrons des chaînes, les administratifs des chaînes, mais qu'on ait vraiment les journalistes pour comprendre comment ils travaillent, comment ils fonctionnent, comment fonctionne la rédaction."
Quentin Bataillon, député Renaissanceà franceinfo
Que le débat ait lieu dans la commission d'enquête et non pas par plateau et radio interposés.
Est-ce que le dérapage de dimanche sur CNews va alimenter vos débats ? CNews qui décrète l'IVG comme la première cause de mortalité dans le monde devant le cancer, devant le tabac. Elle s'est excusée depuis. Vous allez forcément en parler ?
C'était effectivement une présentation extrêmement grave, ignoble. Nous avons été de nombreux députés à le déplorer. Il y a eu des excuses effectivement officielles de la chaîne et j'aurai l'occasion moi-même de réinterroger, demain, Serge Nedjar et l'ensemble des participants de la table ronde sur ce sujet comme sur d'autres sujets sur lesquels nous avons pu être choqués par le passé.
Vincent Bolloré sera auditionné le 13 mars. Le 14 mars, ça devrait être Cyril Hanouna, mais il vous a répondu : "Non, je ne suis pas libre". Il l'a dit dans son émission en direct.
Je vous confirme qu'il sera bien présent le 14 mars. Je pense qu'il était très important de rappeler à Cyril Hanouna que lorsqu'on a sa notoriété, lorsqu'on est autant regardé, surtout lorsqu'on est sur une chaîne de la TNT, on a une responsabilité. Une responsabilité supplémentaire vis-à-vis des autres chaînes et je pensais notamment à tous les jeunes qui le regardent et qui pouvaient se dire : "Ben voilà, il est convoqué par l'Assemblée, mais ce n'est pas important, ça ne l'intéresse pas donc il n'y va pas".
C'est obligatoire d'y répondre ?
Je vous confirme que c'est obligatoire et je vous confirme que tout se passera bien. Il sera bien présent le 14 mars, jour et heure fixés initialement par la commission d'enquête.
Comment réagissez-vous à l'injonction faite à l'Arcom par le Conseil d'État, de mieux contrôler CNews en appréciant désormais l'équilibre des courants de pensée des animateurs, des chroniqueurs et des invités ?
Je pense qu'il faut être très prudent et regarder les choses à froid. Ce que dit effectivement le Conseil d'État, c'est que le calcul actuel, c'est-à-dire la prise en compte des temps de parole par l'Arcom n'est pas satisfaisant. Ils ont raison. Si je prends un seul exemple, est-ce que c'est normal que Philippe de Villiers n'ait pas son temps décompté à chaque fois qu'il nous fait des longs éditos sur CNews ? Non, ce n'est pas normal. Pour autant, je pense qu'il faut faire très attention. Il faut faire très attention de ne pas aller trop loin. L'idée, c'est de ne pas cataloguer l'ensemble des intervenants et encore moins les journalistes. J'imagine que vous-même, vous n'aimeriez pas qu'on vous mette une étiquette.
Tous les médias audiovisuels sont concernés par cette décision.
Ça apporterait beaucoup de recours, un vrai dysfonctionnement et je le vois sur le terrain. J'ai été alerté sur le marché, il y a quelques jours, par une dame qui me dit : "Je n'aime pas CNews, je ne regarde pas CNews, mais ce que vous leur faites n'est pas normal". Qu'est-ce que cette dame entendait ? En fait, elle pense que le pouvoir, le gouvernement va contraindre, va empêcher la liberté d'expression, va empêcher la liberté d'opinion et ce n'est vraiment pas, en tout cas le rôle de l'Arcom. Je remercie le président de l'Arcom, Roch-Olivier Maistre, d'avoir reclarifié ceci.
Qui va décréter que tel courant de pensée est à gauche, tel autre à droite ? L'Arcom, l'État ?
Justement, ce serait très dangereux. Et je pense que ce n'est ni le rôle de l'État, ni le rôle de l'Arcom. On va dire que l'Arcom va améliorer ses listes de prise en compte avec des personnalités qui sont parfois financées par des organisations politiques. On va donc améliorer ceci pour que les plateaux soient à nouveau plus équilibrés. Mais le rôle de l'Arcom, ce n'est pas de composer les plateaux. Ce n'est pas de faire le rôle des journalistes, ce n'est pas d'empiéter sur la liberté rédactionnelle et encore moins de décider de la grille des programmes de l'ensemble des chaînes.
Prenons des exemples très concrets. Puisque tous les plateaux doivent être équilibrés, pour que tous les points de vue s'expriment , on doit inviter le professeur Raoult qui nous dit que l'hydroxychloroquine est bonne pour tuer le Covid ? On invite un scientifique qui ne croit pas au réchauffement climatique ? On invite quelqu'un qui nous dit que la terre est plate ?
Les points de vue qui sont suivis en grande partie par l'Arcom ce sont surtout les points de vue politiques. Donc ça correspond plutôt aux tendances politiques, aux partis politiques, plus que le débat d'idées sur des sujets comme la santé. Pour autant, si ces invités disent une très grosse bêtise, à ce moment-là, l'Arcom peut être saisie et peut sanctionner la chaîne.
Le cas de Philippe de Villiers est le bon exemple. Vous le mettez dans quelle case ? Officiellement, il ne fait plus de politique, il est fondateur président du Puy du Fou. Lui peut dire : "Je ne fais pas de politique".
C'est aussi la limite du système. Je pense qu'on n'a pas trop de doutes sur le positionnement plutôt droite extrême, extrême droite de Philippe de Villiers. Donc je pense que l'Arcom ira dans ce sens-là, mais ce n'est pas mon rôle de le dire à l'Arcom puisque c'est une autorité indépendante. Il faut aussi qu'on respecte ceci, c'est aussi un gage vis-à-vis de la démocratie.
Une dernière question, CNews est une chaîne d'extrême droite ?
C'est une chaîne d'information et d'ailleurs le Conseil d'État a bien rappelé qu'elle ne déroge pas aux règles des chaînes d'information, qu'elle respecte les conventions, qu'il y a un cadre du pluralisme à améliorer. Mais si on regarde bien la décision, lorsque Reporters sans frontières nous disait que c'était une chaîne d'opinion, le Conseil d'État répond plutôt que non. C'est à nous d'améliorer le cadre avec l'Arcom. Il faut faire très attention sur ce sujet-là parce que les Français ne veulent pas qu'on les méprise s'ils aiment regarder CNews et en même temps ils ne veulent pas qu'on les infantilise. Ils veulent qu'on éclaire effectivement le programme qu'ils regardent, la chaîne qu'ils regardent, mais il ne faut pas se méprendre lorsque les Français allument CNews, ils savent à quoi s'attendre et ils n'apprécieraient pas qu'on rentre en permanence dans leurs foyers pour leur dire ce qui est bien ou ce qui est mal. Donc l'équilibre est ténu et c'est le rôle de la commission d'enquête de le rappeler.
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