Lucas Menget, co-auteur d'une enquête pour la revue "XXI" : "Cette histoire de Coran de sang de Saddam Hussein collait à la réalité du personnage"
Le journaliste Lucas Menget, co-auteur du récit "Le Coran de sang" pour la revue "XXI", avec l'écrivain Emmanuel Carrère, est l'invité d"'Info médias". Il revient sur cette enquête en Irak, à la recherche de ce Coran écrit avec le sang de l'ex-dictateur Saddam Hussein.
"J'étais convaincu de cette histoire dès le départ parce que Saddam Hussein était devenu fou à la fin de son règne", confie Lucas Menget, directeur adjoint de la rédaction de franceinfo, mais aussi grand reporter et auteur de l'enquête "Le Coran de sang" pour la revue XXI.
"Cette histoire", c'est celle d'un Coran écrit avec le sang de l'ex-dictateur irakien Saddam Hussein, et qui aurait disparu. Sous sa casquette de grand reporter, Lucas Menget est parti à sa recherche, à Bagdad en Irak, avec l'écrivain Emmanuel Carrère pour la revue XXI. C'est Patrick de Saint-Exupéry, le fondateur de la revue XXI, qui a souhaité qu'ils travaillent ensemble. Le grand reporter qui connaît Bagdad et le romancier qui n'y a jamais mis les pieds.
Lucas Menget s'est en effet rendu plusieurs fois dans la capitale irakienne depuis 2002 pour y réaliser des reportages. C'est à ces occasions qu'il a entendu, pour la première fois, parler de cette histoire. Au départ, il s'agissait simplement "d'une rumeur". "Puis, de fil en aiguille, en interrogeant plusieurs personnes, j'ai compris que s'en n'était pas une", indique le co-auteur du reportage publié dans le nouveau numéro de la revue XXI.
"Il voulait devenir une sorte de commandant des croyants"
Cette légende urbaine s'avère donc vraie. "Cette histoire de Coran de sang collait à la réalité du personnage". Saddam Hussein voulait devenir "une sorte de commandant des croyants", explique le journaliste. Le dictateur irakien a en effet fait "construire une mosquée délirante avec ses minarets en forme de canons de kalachnikovs, de scuds et d'obus" ainsi "qu'inscrire, de sa propre main, sur le drapeau irakien la chahada, la profession de foi de l'islam", illustre-t-il.
Retranscrire les versets du Coran avec son propre sang est certes "sacrilège", mais cela permet à Saddam Hussein de s'inscrire dans la durée, estime Lucas Menget. Y compris après la chute du régime, les mois de planque, le jugement et la mort par pendaison du dictateur, le 30 décembre 2006. "Personne ne peut détruire un Coran", indique-t-il.
À la recherche du calligraphe
Plusieurs personnes ont donc nécessairement vu ce livre religieux. Cela n'a cependant pas été le cas des deux auteurs de l'enquête au moment où ils se sont rendus à Bagdad. Mais "un de leurs confrères au Figaro l'a vu en 2003", précise le grand reporter qui rappelle qu'il a été également "brièvement exposé dans un musée de l'ex-Zone verte de Bagdad [périmètre de la capitale ultra-sécurisé par les forces américaines après l'invasion de 2003] où étaient présentés les grands cadeaux du régime" ainsi que "montré à la télévision".
Lucas Menget et Emmanuel Carrère sont, au cours de leur enquête, partis à la recherche du calligraphe qui a rédigé ce Coran, "sans en avoir peut-être eu le choix", dans les mosquées et dans les écoles de calligraphies de Bagdad. "Nous l'avons retrouvé", révèle le journaliste. Menacé, l'homme ne vit plus en Irak.
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