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Lucien Clergue au Grand Palais : l'autodidacte illuminé

C'est une exposition dont l'ouverture la semaine dernière, quelques jours après les attentats, est passée quasiment inaperçue à Paris. Et elle vaut sacrément le détour. Car elle consacre Lucien Clergue, figure majeure de la photographie, décédé il y a un an, située au Grand Palais à Paris. L'occasion de découvrir ou redécouvrir ses clichés en noir et blanc, captivants. Et son histoire, étonnante.
Article rédigé par Florence Leroy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Exposition Lucien Clergue au Grand Palais à Paris © Maxppp)

Au départ, sa mère le voit violoniste. Mais c'est le chemin de la photographie que Lucien Clergue prend. Très vite, alors qu'il n'est qu'un adolescent, juste après la seconde guerre. La photo il l'apprend seul, chez lui, à Arles. Il y a bien un pâtissier de la ville qui lui enseigne les rudiments mais c'est en solitaire qu'il enchaine les pellicules. Et en 1953, à Pâques, lors de la feria: la chance, le déclic. Le jeune Lucien assiste à une corrida, il apprend que Picasso, le grand Pablo, est dans le public. "Je suis sorti des arènes " explique le photographe dans une interview filmée et projetée au Grand Palais, "J'ai couru jusqu'à mon atelier pour aller chercher les photographies que j'avais déjà réalisées. Je n'avais pas 19 ans...j'avais un an de photographie derrière moi...et à la porte de sortie j'ai attendu Picasso. Je lui ai mis les photos sous le nez. Et il a eu ce mot merveilleux, il a dit "je voudrais en voir d'autres " ".

Du coup Lucien Clergue collectionne les planches-contacts. Marqué par la guerre et par une mère malade, il photographie sa ville, Arles, et ses taureaux agonisants. Arles et ses charognes, ses chats ou ses oiseaux échoués sur les rives du Rhône,  ses cimetières ou ses enfants sans sourire qui posent dans les ruines. Une fascination pour la mort donc. Et pour la vie qui explose avec les gitans ou les nus, ces Vénus sorties de l'eau de la Camargue, devenus célèbres.

Mais il y a également ce lien avec la nature. Au Grand Palais sont alignées sur un mur près de deux cents photos, noires, blanches, grises, de même format. On y voit le vent, les traces qu'il laisse dans le sable, les marais, les vagues, la mer, les arabesques de l'écume. C'est Lucien Clergue lui-même qui a tiré ces photos. Et à l'époque elles impressionnent les américains. Nous sommes en 61, l'arlésien n'a que 27 ans, et le Moma, le Musée d'Art Moderne de New York, décide d'exposer ces clichés. Normal pour Christian Lacroix, le couturier. C'est l'un des commissaires de l'exposition au Grand Palais, lui aussi arlésien, il a bien connu l'artiste dont il est hyper admiratif: "Certains grands photographes américains lui demandaient la marque de son agrandisseur ", sauf que Lacroix explique que son ami Lucien "a fait ça avec une caisse de poire ou de pêche et une boîte de poivre...un bricolage à lui! Il était habité, il était illuminé ".  

Tellement illuminé par son art que Lucien Clergue a tout fait pour que la photo s'expose dans les musées. Tout fait pour qu'elle ait son festival. Ce sera chez lui à Arles, les Rencontres d'Arles dès 70, aujourd'hui une institution. Et en 2006, il réussit même à faire entrer la photo à l'Académie des Beaux-Arts. Premier photographe académicien. Pas mal pour un autodidacte.

"Lucien Clergue, les premiers albums" c'est au Grand Palais à Paris, jusqu'au 15 février 2016

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