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"Bande de filles" : fragiles guerrières

Le nouveau film de Céline Sciamma, "Bande de filles", sort aujourd'hui dans les salles. Et il s'agit d'un film totalement unique dans le cinéma français, ne serait-ce que parce que toutes ses jeunes héroïnes sont noires.
Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (© Bande de Filles)

Céline Sciamma a d'ailleurs dû aller chercher ses comédiennes dans la rue ou dans les centres commerciaux. C'est même en se promenant à la foire du trône qu'elle a trouvé son actrice principale, Karidja Touré, qui joue le rôle de Marieme, une jeune fille de 16 ans, entourée donc de toute une bande d'ados noires, comme elle, en banlieue.

Et ces comédiennes débutantes explosent à l'écran, dans la peau de personnages qui au premier abord se posent en grandes gueules, masculines et bruyantes

Mais très vite, le spectateur découvrira que cette bande de filles , qui cognent aussi bien dans la rue que sur des terrains de football américain, qui jouent les mecs face aux mâles dominants de leur quartier, se planquent aussi dans des chambres d'hôtel pour danser et jouer les starlettes dans des robes à paillettes. Céline Sciamma met en scène des ados bien plus complexes qu'il n'y parait, à la fois matures et enfantines, fortes et vulnérables, des ados qui cherchent à comprendre et à conquérir leur féminité, malgré la violence et les interdits d'une cité qui ne leur fait pas de cadeau, à l'image du personnage principal, coincée entre une école qui la rejette et un frère qui veut la soumettre.

Et même si l'on peut regretter que le film s'effiloche un peu à la fin, Céline Sciamma prouve encore une fois, et c'est l'essentiel, son talent pour filmer l'adolescence, l'éveil du désir, la quête de liberté, comme elle l'avait déjà fait dans ses précédents films, "Naissance de pieuvres et "Tomboy".

Pour la réalisatrice d'ailleurs, ces ados noires de banlieue sont en fait un concentré contemporain d'un combat qui a toujours existé : "Ce sont des héroïnes qui sont d'abord très classiques. Elles ont des injonctions qui sont des injonctions de jeunes filles éternelles : l'idée de la pression autour de la construction du féminin, de la subversion de féminin, qu'elles incarnent pleinement.

Je crois que cette dynamique de la féminité/virilité : est-ce qu'une femme doit être un homme ou une pute pour s'en sortir?, est une dialectique intemporelle. Et en même temps, elles sont absentes des écrans. Donc il y avait l'envie, et le geste politique, de les représenter. Elles sont des visages et des corps nouveaux, un précipité de contemporain. C'était l'alliance de ces deux choses là qui me passionnait."

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