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Ils ont fait l'actu. Morgan Large, journaliste bretonne menacée depuis son enquète sur l'agro-industrie

Sébastien Baer revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent. Jeudi 26 août, Morgan Large, après avoir vécu plusieurs actes de malveillance et des menaces, persiste à savoir la vérité sur ce qu'est l'agro-alimentaire en Bretagne.

Article rédigé par franceinfo, Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La journaliste Morgan Large. (SEBASTIEN BAER / RADIO FRANCE)

31 mars 2021. Une nouvelle fois, Morgan Large, journaliste à Radio Kreiz Breizh, une radio du centre-Bretagne, est victime de malveillance. Alors qu'elle enquête sur l'agro-industrie, la journaliste de 49 ans s'aperçoit que sa voiture a été sabotée : il manque plusieurs boulons à l'une de ses roues arrières. "Ça pose complètement question sur la légitimité et le droit à exercer son métier de manière normale. Est-ce que la Bretagne, au regard de l'hégémonie du secteur agroalimentaire, c'est une zone de non-droit dans laquelle les journalistes ne sont pas les bienvenus ?" interroge la journaliste.

Les pressions se sont intensifiées contre la journaliste après son témoignage dans un documentaire sur l'impact de l'agriculture intensive. Morgan Large a subi toute une série de menaces : appels anonymes la nuit, empoisonnement de son chien et dégradation du local qui abrite sa radio. Après le sabotage de la voiture, le parquet de Saint-Brieuc a ouvert une information judiciaire et plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour défendre la liberté d'informer. La journaliste a aussi reçu de nombreux soutiens mais elle reste encore très marquée.

Les moments les plus compliqués, c'est de quitter sa maison et de se dire 'mince, je laisse mes enfants seuls, qu'est-ce qui va se passer ?'

Morgan Large

à franceinfo

"Je ne supportais pas cette idée de me dire que je partais loin en reportage - 'est-ce que je laisse ma fille une nuit toute seule à la maison ?' - alors qu'avant ça ne posait pas trop de problèmes... Mais heureusement, j'ai des voisins qui sont exceptionnels et je pouvais leur dire que je partais pour la journée et de jeter un oeil sur les voitures qui vont descendre à la maison et regarder", raconte Morgan Large. "J'ai eu énormément de soutien aussi des gens que je croise tous les jours, des gens que je ne connaissais pas du tout, des gens de la France entière. Il y a même des gens qui m'ont proposé de m'héberger, qui m'ont dit de prendre mes enfants sous le bras et d'aller chez eux pendant un moment pour me reposer et être tranquille", poursuit-elle.  

Un rapport de force "disproportionné"

Morgan Large est inquiète."Au tout début, je me suis dit qu'ils allaient mettre le feu à la maison pendant qu'on dort, parce que les premières atteintes qu'il y a eues, c'était pour ouvrir les entrées de mes champs et faire échapper mes animaux, j'ai des vaches et aussi des chevaux. Et c'est vrai que je n'avais pas mesuré qu'on puisse en venir jusqu'à venir chez moi, s'en prendre à ma famille, c'est extrêmement dérangeant." 

J'habite très loin de tout, j'habite dans un cadre bucolique, j'ai envie d'entendre le chant des oiseaux, je n'ai pas envie d'avoir des caméras partout et s'il faut que je vive dans un bunker, ça va vraiment être un sacrifice énorme pour moi.

Morgan Large

sur franceinfo

Jamais la journaliste bretonne ne se serait imaginée déranger au point de devenir une cible "parce que j'ai l'impression que j'ai une toute petite voix, je suis une toute petite journaliste sur un tout petit média. C'est vrai que j'ai enquêté par exemple sur les subventions de la région Bretagne sur la filière avicole en Bretagne", explique-t-elle.

Comment je pourrais menacer avec un micro un monde aussi énorme que ça, une puissance aussi énorme que ça ? Rien que de savoir ça c'est extrêmement intimidant parce que le rapport de force est disproportionné entre ce monde énorme de l'agroalimentaire et moi, toute petite journaliste.

Morgan Large

à franceinfo

Pour autant, la journaliste ne changera rien à ses habitudes de travail. "Je vais être d'autant plus pugnace. Il y a énormément de choses qui se passent dans le domaine agricole, qui est très violent pour les exploitants agricoles. On voit bien que c'est un monde qui est en crise permanente et il y a une souffrance, un malaise agricole que personne ne peut nier aujourd'hui au regard du nombre de suicides, au regard du plan social du monde agricole. Combien de faillites interviennent dans les fermes ? Je lis la presse agricole, je vois les petites annonces avec du matériel agricole, du matériel d'élevage à vendre à la pelle", constate-t-elle.

Donc oui, j'ai envie de me pencher sur les tenants et les aboutissants et essayer de trouver des explications à ces multiples crises. Mais c'est vrai que ça dérange.

Morgan Large

à franceinfo

Je ne suis pas du tout une héroïne. Non, mais je pense que je ne vais peut-être plus travailler autant toute seule, je vais peut-être écrire des articles ou parler de mes enquêtes avec d'autres journalistes pour qu'on puisse, quand c'est trop dur, faire un tandem. C'est peut-être par le collectif qu'on est moins fragile", conclut la journaliste.

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