Arthur Teboul du groupe Feu! Chatterton, revient sur leur reprise de "L'Affiche rouge" pour l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian

Le chanteur Arthur Teboul n'oubliera probablement jamais ce moment qui a marqué leur carrière. Il revient sur son interprétation, et celle de son groupe, de la chanson "L'Affiche rouge", le jour de la panthéonisation du résistant Missak Manouchian.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Arthur Teboul (au centre) avec son groupe Feu! Chatterton le jour de l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le 21 février 2024. (VALLAURI NICOLAS / MAXPPP)

"Cette chanson-là, en ces temps particuliers, résonne fort", assure Arthur Teboul, le chanteur du groupe Feu! Chatterton. Le 21 février 2024, Missak Manouchian héros de la Résistance, entre au Panthéon avec sa femme Mélinée. La chanson l'Affiche rouge écrite par Aragon, mise en musique par Léo Ferré, est interprétée par Arthur Teboul, le chanteur de Feu! Chatterton. "Nous ne sommes que des passeurs de cette chanson, confie Arthur Teboul. C'est l'humilité qui nous guide dans ce message. C'est pour ça qu'on l'orchestre de cette façon. Qui sommes-nous, à côté de ces héros de la Résistance ? C'est une leçon merveilleuse".

La chanson fut un moment de grâce devant les cercueils du couple Manouchian couverts d'un drapeau français. Après cette cérémonie présidée par Emmanuel Macron, plusieurs personnes du public évoqueront leur grande émotion.

Rescapé du génocide arménien, apatride, réfugié en France, Missak Manouchian rejoignit la résistance communiste au sein de laquelle il s'illustra à la tête d'un réseau très actif : des Juifs, Polonais, Hongrois, Italiens, Espagnols, Roumains et Français qui combattent ensemble. Arrêté, Missak Manouchian fut fusillé par les Allemands à 37 ans, le 21 février 1944, avec une vingtaine de ses camarades. Dix d'entre eux figuraient sur cette désormais célèbre "Affiche rouge" placardée dans les rues par l'occupant, elle les présentait comme "l'armée du crime".

"L'Affiche rouge : des étrangers qui ont sauvé la France"

La chanson l'Affiche rouge, Feu! Chatterton l'interprète depuis fin 2021. "C'est une chanson qu'on chante depuis plusieurs années et qui nous bouleverse chaque soir. Parce que les mots d'Aragon, qui reprennent eux-mêmes, les mots de la lettre de Missak Manouchian à sa compagne avant de mourir, c'est un message, une leçon d'humanité : comment être noble de cœur en toutes circonstances ? Comment rester droit, héroïque, mais héroïque intègre", explique Arthur Teboul. Mais interpréter cette chanson au Panthéon, sa résonance reste encore particulière six mois après. "Ce jour-là, quand on chante la chanson sur les marches du Panthéon, il y a le symbole qui s'invite : ce sont les 80 ans de la mort des fusillés de L'Affiche rouge, des étrangers qui ont sauvé la France", raconte Arthur Teboul.

"Il y avait beaucoup d'étrangers qui se sont battus pour un idéal républicain et démocratique, un idéal de fraternité qu'on a tendance à oublier."

Arthur Teboul

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"Cette chanson-là, en ces temps particuliers, résonne fort. C'est aussi une des raisons pour lesquelles ce moment a touché autant de gens en France. On aurait chanté cette chanson il y a 20 ans, peut-être qu'on aurait été moins sensible à ces paroles de fraternité, d'espoir, poursuit Arthur Teboul. Ces étrangers-là n'avaient même pas de passeport français. Manouchian s'est vu refuser à plusieurs reprises la nationalité française. Ils se sont battus pour un idéal. Et puis dire les adieux de Missak Manouchian à son épouse Mélinée, devant leur cercueil à eux deux. C'est sans doute le moment avec le plus de pression de toute notre courte carrière avec Feu! Chatterton".

Un moment de "bascule" pour le groupe

Arthur Teboul confie que ce n'est que le lendemain et le surlendemain, quand il a commencé à voir les réactions des gens, des messages qu'on lui envoyait, qu'il a réalisé "qu'il s'était passé quelque chose de particulier". Et plusieurs mois plus tard, on continue de lui parler de ce moment-là. "C'est une bascule pour nous en tant que groupe, en tant qu'artiste. Il y a un avant et un après, raconte-t-il. Chaque jour, ou presque, des gens viennent me parler de ce moment-là : des associations, des partis politiques..."

Au moment de la panthéonisation, il était en train de finir L'Adresse, son deuxième livre, avec "la petite équipe de chez Seghers et notamment le directeur artistique qui s'occupe de toute la conception graphique, qui est d'origine arménienne". "J'ai su grâce à lui que les Arméniens en France, et peut-être ailleurs aussi, avaient été très touchés par ce moment. Et, du fait de ma ressemblance, un peu, avec Manouchian, avec cette moustache et mon grand nez, sourit-il, ils avaient envie que je sois arménien, ce qui m'a beaucoup touché. C'est aussi pour ça qu'on a été honorés de jouer en tant que groupe et de chanter ce jour-là". Un vinyle avec Missak Manouchian sur la pochette, avec les versions de Léo Ferré et de Feu! Chatterton est sorti deux jours après la cérémonie au Panthéon.

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