Réformer l'orthographe: d'accord, mais peu et lentement (1965-2016)
Retour en avril 1966. L’écrivain Hervé Bazin vient de publier un nouveau livre, "Plumons l’oiseau", un pamphlet. L’écrivain de "Vipère au Poing" quitte un temps le roman pour défendre une cause qui lui est chère…
"J'ai inventé un professeur canadien qui réforme l'orthographe, qui dit et qui prouve que l'orthographe est stupide. C'est assez facile à prouver. Et dans une deuxième partie, il donne le nouvel alphabet et la nouvelle orthographe qu'il préconise. Et comme j'avais envie de rire, j'ai écrit "Plumons l'Oiseau", et ceux qui sont plumés ce sont les ridicules de l'époque."
Violente charge contre la réforme de l’orthographe et avec elle, ceux qui la défendent.
Il faut dire qu’un an plus tôt, avait été remis au gouvernement le rapport Beslais. Aristide Beslais, directeur de l’enseignement du premier degré qui ici, une craie à la main devant un tableau explique la nécessité de réformer l’orthographe. Le titre de l’émission : "L'orthographe de l’an 2000?"
"La langue française a la réputation d'être une langue cohérence et logique. C'est une des qualités de la langue dont les Français sont le plus fier. Lorsque je regarde les mots que je viens d'écrire au tableau, je me demande si cette logique est aussi impeccable que les Français le croient et le disent. Quelle raison de donner deux N à "sonner" et un N à "sonore", deux N à "rationnel" et un seul à "rationalisme". On pourrait ainsi multiplier les exemples surprenants et qui ne sont pas de nature à nous réjouir si nous tenons à notre réputation de bonne logique. "
Aristide Beslais est malin. Pour faire passer sa réforme, il en appelle à l’amour des Français pour leur langue. Il s’agit de rendre cette langue parfaitement logique en la rationalisant.
Il a cependant oublié un peu vite que l’amour des Français pour l’orthographe c’est aussi un amour un peu masochiste, un amour pour ses pièges et ses exceptions, en témoigne le succès de la dictée de Pivot.
Le rapport Beslais, très ambitieux, sera enterré par le gouvernement convaincu notamment par la société des gens de lettres. Il faudra attendre 25 ans pour qu’une petite réforme soit envisagée, et encore donc, 25 ans pour qu’elle soit enfin appliquée…EE.
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