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Les gilets jaunes, ou la longue tradition du rejet de l'impôt injuste

Ce mouvement des gilets jaunes a été qualifié de « poujadisme contemporain » par Emmanuel Macron la semaine dernière. Dans les deux cas, au moins au départ, un ras-le-bol fiscal, est-on là face à une spécificité française ? 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des "gilets jaunes" à Caen (Calvados), le 18 novembre 2018. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Le paradoxe Poujade

Et on commence en chanson   

Un mouvement de flammes est né à Saint-Céré, un homme, une grande âme, par l'impôt écœuré, pour frapper l'injustice, un jour s'est déchaîné, sa fougue créatrice nous a tous entraînés. Oui Poujade vainqueur magnanime, avec toi nous lutterons...

Il y a un paradoxe avec le mouvement initié par Pierre Poujade au début des années 1950 et qui, en effet, fédère les petits commerçants et les artisans autour d’un rejet de l’impôt. Ce paradoxe, c’est que ce mouvement se structure à un rare moment de l’histoire fiscale française : les Trente glorieuses.

Rare parce qu'il s'agit là d'un moment de consentement à l’impôt. Car si Poujade fédère les indépendants, les salariés eux s’acquittent, non pas avec plaisir, mais consciencieusement de leurs impôts.

Il faut dire que les Trente Glorieuses, c’est une période de plein emploi, des services publics qui se développent et un ascenseur social qui marche. Bref, le sentiment que chacun profite de l’impôt qu’il paye.  

Une tradition du rejet de l'impôt injuste et opaque

Pour en revenir au poujadisme, le mouvement réclamait à l’époque à corps et à cris des Etats Généraux, avec évidemment comme référence, la révolution française. Et ne l’oublions pas, la révolution française n’est pas née d’un rejet de l’impôt en tant que tel (contrairement à la révolution américaine, d’ailleurs et ce qui en dit long sur le clivage entre nos deux pays) mais pour un impôt plus juste, c’est-à-dire également payé par les deux ordres privilégiés, le clergé et surtout la noblesse.

Le souvenir des Jacqueries du Moyen âge et de l’époque moderne, les soulèvements violents des paysans contre les impôts, est encore vivace à l’époque. La révolution française pose le principe de l’impôt juste.

Et c’est une fois posé le principe de la justice fiscale que s’impose dans l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 la notion de consentement à l’impôt :

Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée

Sous-entendu, si l’impôt est juste et transparent, alors il est librement consenti par le citoyen qui fait ainsi un geste civique en le payant…  

Les gilets jaunes, ces héritiers face aux fantômes des années 1930

Et d’autant qu’il s’agit ici d’un impôt indirect, donc payé de la même manière qu’on soit riche ou pauvre et dont les contribuables ne voient pas bien les effets positifs pour eux.

Manque de justice et de transparence voilà un cocktail explosif qu’on avait déjà rencontré au début des années 1930, qui me semble d’ailleurs une meilleure référence que le poujadisme. A cette époque, les scandales financiers se multiplient, les taxes s’accumulent et le système devient illisible, les « payeurs » s’en prennent aux « payés », les fonctionnaires ou les députés, ceux qui en profitent, donnant une dimension politique au mouvement qui n’est pas sans rappeler ce qui se joue aujourd’hui.

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