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Le cannibale, l'autre, le sauvage, l'animal

Le cannibalisme constitue l'un des plus profonds tabous de nos sociétés contemporaines. Il renvoie à la sauvagerie et à la bestialité. Le terme "cannibale" a d'ailleurs été inventé par Christophe Colomb pour qualifier les peuples indiens qu'il "découvrit" en 1492. Retour sur un tabou.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (© Sipa Press  Luka Magnotta à son arrivée à l'aéroport Mirabel de Montréal au Canada.)

En mars 1983, Issei Sagawa japonais ayant tué, découpé et mangé une jeune étudiante néerlandaise dans un appartement parisien en 1981 voit s'éloigner la perceptive d'un procès.

Déclaré fou par les psychiatres, il est transféré de la prison de la Santé, où il était incarcéré, à un hôpital psychiatrique. Il vit aujourd'hui relativement tranquillement et librement au Japon.

Le cannibale, le fou, le sauvage...

Il n'est pas étonnant qu'un cannibale soit qualifié de "fou" et que sa place soit à l'asile, tant  le cannibalisme constitue un immense tabou dans nos sociétés contemporaines.

Le cannibale, c'est donc le fou, le sauvage. D'ailleurs, le mot même de cannibale renvoie à la sauvagerie. Le mot "cannibale" lui-même a été inventé par Christophe Colomb pour qualifier les Indiens qu'il rencontre. De l'Antiquité jusqu'à la Révolution française, il y a eu des cas de cannibalisme, mais le terme cannibale devient rapidement synonyme d'une altérité dangeureuse.

L'universitaire Franck Lestringant en 2000 sur France Culture affirme que le cannibalisme va être la référence pendant tout le XVIe siècle pour qualifier le Nouveau Monde, l'Amérique.

Et ainsi, le cannibale, c'est l'autre. C'est le sauvage.

... et même l'animal 

En 1942, le collaborationniste Jacques Doriot, l'un de ceux à l'origine de la Légion des volontaires français, ces combattants du front de l'Est sous uniforme allemand parle de l'Armée Rouge. Il compare les Soviétiques à des animaux, des mangeurs d'hommes, " une erreur de Dieu ". Des cas d'anthropophagie ont pu avoir lieu exceptionnellement, mais la généralisation de Doriot a un objectif clair : faire des communistes des bêtes sauvages.

Pour finir, lisons Voltaire qui dans son Dictionnaire philosophique à l'entrée " antropophage " faisait preuve d'une plus grande sagesse ou ouvrait un débat toujours ouvert:

"Comment des peuples si séparés les uns des autres ont-ils pu se réunir dans une si horrible coutume ? Faut-il croire qu'elle n'est pas absolument aussi opposée à la nature humaine qu'elle le paraît."

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