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Histoires d'info. Quand Alain Juppé menaçait d'exclure François Fillon du RPR

"Mon ami Alain" dit François Fillon ? C'est aller un peu vite en besogne. Les deux hommes se sont parfois retrouvés dans des camps opposés et hostiles.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alain Juppé et François Fillon à l'issue d'un Conseil des ministres, en 1996 (à gauche, Michel Barnier). (MICHEL GANGNE / AFP)

Les deux candidats au second tour de la primaire de la droite du dimanche 27 novembre ne se sont pas toujours bien entendus. François Fillon et Alain Juppé se sont heurtés à plusieurs reprises.

Disons-le d’emblée, la rivalité Juppé-Fillon, n’a pas la saveur et la profondeur historique et humaine de la rivalité Juppé-Sarkozy ou même Bayrou-Sarkozy. François Fillon a rarement été suffisamment sur le devant de la scène pour cela. Mais il y a tout de même eu un moment de tension majeur entre les deux hommes.

Retour à la fin des années 1980

Au printemps 1988, la droite a perdu la présidentielle et la majorité au Parlement qu’elle avait depuis 1986. On accuse les barons, Chirac, Giscard, Barre de n’avoir pas su s’unir face à la gauche. C’est dans ce contexte qu’un an plus tard, entre les municipales et les européennes, 12 jeunes élus de droite, six du RPR et six de l’UDF, se lèvent contre  "la machine à perdre". Les "12 salopards".

Sous l'étiquette des "rénovateurs", de jeunes maires, Michel Noir à Lyon, Alain Carignon à Grenoble, Dominique Baudis à Toulouse, mais aussi Charles Million, François Bayrou ou Philippe de Villiers. Un leader naturel, Philippe Séguin, et le député de la Sarthe, François Fillon. Il s'exprime ici sur cette période haletante : "Tout au long de cette journée, j'ai vraiment eu l'impression que la vie politique redevenait excitante, qu'on allait pouvoir faire changer un peu les choses. Il y avait une espèce de souffle qui se manifestait."

Aucune unité idéologique entre ces jeunes hommes, juste la volonté de faire une liste commune sans aucun des grands chefs. Le renouvellement générationnel, mais pas des idées, en somme. Et donc l’ivresse de la rupture. Les médias adorent ce mouvement, les caméras les suivent partout. C’est l’histoire politique du moment. Mais les cadres du RPR et de l’UDF ne l’entendent pas de cette oreille et sont bien disposés à imposer une liste commune dirigée par Valéry Giscard d’Estaing.

Chaque parti tente de ramener à la raison ses rénovateurs, frondeurs, dirions-nous aujourd’hui mais face à l’intransigeance du groupe des 12, Alain Juppé le secrétaire général du RPR et fidèle parmi les fidèles de Jacques Chirac, brandit la menace. Il est l’invité des "4 vérités" au début du mois d’avril 1989 :

Le journaliste : "Ceux qui iront sur une autre liste que la vôtre, ils seront exclus du RPR ?"

Alain Juppé : "Il arrive un moment où il faut décider. Lorsque cette décision a été prise, elle devient la loi d'une formation politique. Et ceux qui la transgressent se mettent ipso facto et de leur fait en dehors de leur parti politique, cela va de soi. Ceux qui iront sur une autre liste n'appartiendront plus de leur fait au RPR."

Les rénovateurs se divisent, puis disparaissent

Deux stratégies s’opposent au sein des rénovateurs. Celle de Michel Noir prêt à aller jusqu’au bout, celle de Philippe Séguin, le mentor de Fillon, qui préfère rentrer dans le rang et tenter de changer de l’intérieur le RPR. C’en est fini des rénovateurs. Fidèle à sa promesse, et ne croyant plus en Chirac, Séguin tentera un putsch avec Pasqua, en 1990. Fillon sera encore de la bataille. Et Juppé dans le camp adverse.

Les deux hommes, Fillon et Juppé se retrouveront encore face à face lors de la présidentielle de 1995, Fillon avec Balladur, Juppé avec Chirac. Mais quand Alain Juppé forme son gouvernement en tant que Premier ministre de Jacques Chirac, François Fillon entrera au gouvernement sous l'amicale et ferme demande de Philippe Séguin. Je ne sais pas ce qu’aurait pensé Philippe Séguin, qui privilégiait un libéralisme "légitimé, corrigé et tempéré" – il fustigeait la "libéralomania" –, du virage très libéral de François Fillon. Et la surprise aurait été totale si on lui avait dit que, 30 ans après le choc des rénovateurs, Alain Juppé incarnerait une droite modérée, espoir de la gauche, et François Fillon, une droite très libérale sur l’économie et très conservatrice sur les valeurs.

Finalement, ces deux-là, Juppé et Fillon, se sont rarement retrouvés sur la même ligne politique.


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