Histoires d'Info. Le marché de Rungis, l'autre allée du pouvoir
Près d'un demi-siècle après son ouverture, le marché international de Rungis est devenu un lieu de passage obligé pour bon nombre de candidats à l'élection présidentielle. L'occasion pour eux de développer leurs thèmes de campagne, souvent avec un discours similaire.
Rungis, depuis des décennies, est devenu le passage obligé des candidats à la présidentielle. La semaine dernière, Emmanuel Macron était à l’aube au marché de Rungis. Mardi 25 avril, c’était au tour de Marine Le Pen. Un déplacement matinal devenu tradition pendant les campagnes électorales.
Une tradition qui, comme toute tradition, s’enracine dans le passé. Les Halles de Rungis sont inaugurées en mars 1969 en lieu et place des vieilles Halles du centre de Paris et dès 1974, un premier candidat à l'élection présidentielle s’y rend pour faire campagne. Il s'agit de Jean Royer, l’historique maire de Tours et surtout ancien ministre du Commerce et de l’Artisanat. Pas étonnant donc que ce soit lui qui ouvre le bal ce 20 avril 1974, discutant ici avec un commerçant :
Un commerçant : "Vous êtes le premier qui ait fait quelque chose pour les petites entreprises et les petits commerçants. Je tiens à vous en remercier."
Jean Royer : "Je l'ai fait de bon coeur en tout cas. C'est pas fini."
Un commerçant : "Depuis quinze ans, on a été étouffé par les grandes surfaces, par les gros et je tiens à vous dire que vous êtes le premier."
Jean Royer : "On va remettre de l'ordre !"
Rungis, c’est le lieu de la rencontre avec les travailleurs et on l’a entendu avec les petits qui n’ont que leur courage pour affronter les gros. Bref, un terrain de jeu idéal pour les politiques. Pourtant, ils n'y retourneront que bien plus tard.
Rungis : un symbole
C’est Nicolas Sarkozy et son extraordinaire flair politique qui va comprendre la puissance symbolique de ce lieu. C’est au début du mois de février 2007 que l'ancien président de la République lance véritablement la tradition de Rungis.
Il y développe alors les thèmes de sa campagne présidentielle victorieuse. "Ce matin, je suis venu à Rungis pour la France qui se lève tôt parce que je pense toujours que le problème de la France, c'est le travail. La gauche ne vient pas voir les travailleurs. Moi je veux les voir, je veux être le porte-parole de la France du travail." Il y évoquera également son fameux "travailler plus pour gagner plus". Le 18 avril dernier, toujours à Rungis, c'est Emmanuel Macron qui a tenu un discours assez similaire : "Moi je pense qu'on peut faire travailler plus les gens en gagnant davantage."
En septembre 2011, c’est au tour de Marine Le Pen de s’y rendre et même si elle se place en opposition avec Nicolas Sarkozy, son ton est également proche de celui qui est alors le président en exercice :
Une commerçante : "Moi je faisais des marchés pour payer à mon fils son escrime et cætera..."
Marine le Pen : "Parce que c'est hors de prix..."
Une commerçante : "C'est hors de prix, c'est 300 euros, 400 euros..."
Marine le Pen : "Là, on est dans la classe moyenne qui est en voie de déclassement total. Ca fait longtemps qu'on fait campagne pour les Français qui se lèvent tôt mais je remarque que Nicolas Sarkozy, lui, a plutôt fait un mandat pour les gens qui se couchent tard."
Défendre les petits contre les gros, les producteurs français contre les concurrents étrangers, critiquer au passage les normes européennes : Rungis est un formidable terrain de jeu pour des discours qui n’auraient pas déplu à Pierre Poujade.
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