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Histoires d'Info. Le "cabinet noir", côté obscur de l'Élysée

Entre fantasme et réalité, les accusations d'usage d'un cabinet noir accompagnent l'exercice du pouvoir depuis plusieurs siècles. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
François Fillon lors de l'émission politique de France 2 a dénoncé un "scandale d'Etat" et accusé François Hollande d'organiser les fuites. (THOMAS SAMSON / AFP)

Le "cabinet noir", c’est une vieille histoire. Elle date du XVe siècle, avec l'ouverture des postes royales aux particuliers et de l'institution du monopole postal au début du XVIIème siècle. Le but de l'ouverture des postes royales aux particuliers semble même d'avoir été de placer les correspondances sous l'unique contrôle royal et non plus d'autres seigneurs, prélats. Il y avait peu de courrier, Richelieu est le premier à le faire ouvrir quasiment systématiquement dans un lieu, le cabinet noir ("noir" pour le secret bien sûr), expression bientôt étendue à toutes les personnes du service.

L'abolition du cabinet noir figurait même dans de nombreuses doléances en 1789. Louis XVI avait même promis d’y mettre un terme, sans tenir sa promesse. Cela n'empêcha pas la Révolution d'en faire largement usage, notamment le Directoire. Il fut maintenu par les régimes suivants.

Mais, progressivement au XIXe siècle, l’anonymat de l'expéditeur et surtout l’augmentation du nombre de lettres allaient entrainer la disparition du cabinet noir, même si ponctuellement notamment pendant la Première Guerre mondiale, l’ouverture du courrier envoyé par les soldats était pratique courante.

L'État a toujours tenté d'écouter ses adversaires

Non, et nul besoin d’aller évoquer les plombiers du Watergate, qui posèrent des micros pour espionner le Parti démocrate. En France, en 1993, Le Canard enchaîné, fait des révélations au sujet d’un système d’écoute téléphonique mis en place par l’Elysée lors du premier septennat par la cellule antiterroriste dirigé par Christian Prouteau. Certaines écoutes n’ayant rien à voir avec la sécurité nationale. François Mitterrand nie en bloc face à des journalistes belges de la RTBF :

François Mitterrand : "Si j'avais cru qu'on allait tomber dans ces bas fonds, je n'aurais pas accepté l'interview." 

RTBF : "Mais ce sont des sujets qui ont été traités, monsieur le président, par..."


François Mitterrand : "Je n'aurais pas accepté si j'avais su que vous étiez comme ça. Moi, je n'ai pas besoin de perdre mon temps sur des sujets pareils alors qu'il s'agit simplement de polémiques fabriquées, inventées, avec lesquelles je n'ai rien à voir."


RTBF : "C'est une manière de manifester"

François Mitterrand : "Il n'y a pas service d'écoute à l'Élysée ! Il ne peut pas y en avoir ! Je ne sais pas d'ailleurs comment on fait des écoutes."

Et pourtant, quatre ans plus tard, le journal de France Inter : "Entre 1982 et 1988, François Mitterrand savait qu'une cellule de l'Élysée écoutait des hommes politiques, des journalistes, des avocats. Des documents prouvent même qu'il était le commanditaire de ces écoutes."

Si cette affaire est avérée, la justice ayant tranché en 2005, Chirac, Sarkozy et Hollande ont tous été accusés par l’opposition d’avoir mis en place un cabinet noir. Les attaques de François Fillon n’ont d’exceptionnelles que par le fait qu’il soit candidat à l’élection présidentielle.

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