Histoires d'info. Jean d'Ormesson : "Il est assez exact que j’ai peu conduit ma vie. J’ai horreur des vies programmées"
L'écrivain et académicien, Jean d'Ormesson, est décédé dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 92 ans, d'une crise cardiaque. Il laisse de nombreux ouvrages et des pensées, notamment sur le rapport à la vie.
Dans des entretiens de 1989, Jean d’Ormesson se penchait déjà sur son existence, et avait ce mot qui résume si bien son rapport à la vie : "Il est assez exact que j’ai peu conduit ma vie. J’ai horreur des vies programmées. Que la mienne ne l’a pas été, c’est peu dire."
Lui, dont le mot favori était "épatant", évidemment suivi d’un regard perçant et d’un sourire qui laissait deviner la gourmandise, a failli ne jamais devenir écrivain. En 1966, il publie : Au revoir et merci aux éditions Julliard dans lequel il annonce son retrait de la vie littéraire, ce qui révèle son goût de la mise en scène de sa propre vie et une certaine malice puisque le succès de ce livre l’encourage à poursuivre.
Jean d'Ormesson, un homme détaché
En 1971, ce sera son premier grand roman, La Gloire de l’Empire , qui en fait un écrivain à succès. Selon ses propres mots "Plus seulement un écrivain qui écrit des livres avec trois personnes dont moi". Ce livre lui vaut le Prix de l’Académie française et lui ouvre les portes de la prestigieuse institution du quai Conti, quelques mois après la mort d’un autre d’Ormesson académicien, Wladimir, l’oncle de Jean, diplomate et écrivain. Le très jeune nouvel académicien n’a que 48 ans, il se confie au journal télévisé :
Jean d'Ormesson : "Je l'ai appris par un coup de téléphone, que j'attendais évidemment.C'est une certaine émotion et le sentiment que j'ai éprouvé immédiatement, c'est, vous imaginez bien, c'est une grande joie et beaucoup de gratitude."
Le journaliste : "Qu'est-ce qui d'après vous a incité le suffrage dans ce sens ?"
Jean d'Ormesson : "L'indulgence pour 60%, pour 25% l'amitié et peut-être pour 5% mes mérites."
Modestie ou peut-être fausse modestie en tout cas une forme de détachement qui en fera, paradoxalement, un personnage attachant. En 1959, après la sortie de son deuxième livre, il est avec le grand Pierre Desgraupes et pointe bien ici ce trait de caractère.
La paresse, c'est merveilleux parce qu'on abandonne les choses, on abandonne le monde mais en s'en rendant compte
Jean d'Ormessonfranceinfo
"Je crois que c'est quelque chose d'exquis de se dire qu'on a à écrire une lettre à des amis ou qu'on a un travail à faire et de ne pas le faire en disant qu'on préfère volontairement laisser les choses se faire toutes seules ou bien peut-être par les autres", ajoute-t-il.
Jean d'Ormesson patron de presse de droite
De là, en faire un Oblomov français, c’est certainement excessif, d’autant qu’il était aussi un très gros travailleur, parce qu’à côté de sa carrière d’écrivain, Jean d’Ormesson a dirigé Le Figaro entre 1974 et 1977 puis plume du Figaro magazine, il a été un commentateur très actif de la vie politique française, un commentateur toujours à droite, ce qui lui valut des critiques féroces notamment de Jean Ferrat qui le dépeindra comme la figure de la "grande bourgeoisie".
Ce grand bourgeois est atterré par la victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Lui qui avait annoncé dans Le Figaro des chars soviétiques, place de la Concorde en cas de victoire de Mitterrand, est en effet sous le choc lors de la soirée électorale sur Antenne 2.
La victoire de monsieur François Mitterrand que je regrette, que je regarde avec tristesse et avec inquiétude, m'inquiète pour un grand nombre de raisons. J'aurais préféré la victoire de monsieur Giscard d'Estaing
Jean d'Ormesson, mai 1981Antenne 2
Il est l’intellectuel médiatique de la droite, celui qui s’oppose à François Mitterrand dans un duel télévisé au sujet du traité de Maastricht en 1992, mais il demeurera un écrivain prolifique dont l’œuvre inclassable mêle l’autofiction, les réflexions philosophiques sur le temps, sur Dieu et sur l’Histoire et une passion pour la langue française. Tout cela finalement se résume dans la trace qu’il voulait laisser. Voici ce qu'il disait en 1977 : "Est-ce que vous croyez que l'Académie française assure l'immortalité. Je ne pense à rien d'autre qu'au plaisir d'écrire et si possible à survivre pendant 20 ans, 30 ans. Ce n'est pas l'Académie qui assure l'immortalité. Ce qui assure l'immortalité, ce sont les livres."
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