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Histoires d'info. En 1924, Paris organise les Jeux olympiques... sans vraiment l'avoir souhaité

Un siècle avant Paris 2024, la capitale française était déjà ville olympique. Une compétition qui a bien failli se dérouler... à Lyon !

Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Paavo Nurmi remporte le 5 000 m des Jeux de Paris 1924 au stade de Colombes, devant un autre Finlandais, Willie Ritola. (BETTMANN / GETTY)

1900, 1924, et bientôt 2024 : Paris s'apprête à accueillir les Jeux olympiques pour la troisième fois de son histoire. Mais les JO 1924, attribués à Paris lors du Congrès du CIO de 1921, auraient pu avoir lieu... à Lyon !

Pierre de Coubertin, l’homme qui a fait renaître les Jeux olympiques en 1896 voulait absolument les offrir à nouveau à la France avant de tirer sa révérence. Paris les obtient donc au nez et à la barbe de Los Angeles, déjà, et d'Amsterdam.

L'épineuse localisation du stade olympique 

Mais bien vite se pose la question du stade olympique. Le stade Pershing, dans le bois de Vincennes, construit en 1919 par les Américains pour accueillir les Jeux interalliés et qui accueille la finale de la Coupe de France de football, est envisagé, de même que l’ancien Parc des Princes. Mais contrairement à aujourd’hui, la ville de Paris est réticente et refuse de financer les travaux nécessaires.

C'est alors qu’en 1922, on évoque sérieusement la possibilité de se replier sur Lyon, où le superbe et moderne stade Gerland, œuvre de l’architecte Tony Garnier, a été inauguré deux ans plus tôt.

Mais les Jeux ne peuvent avoir lieu hors de Paris. Au prix d’un important lobbying, le Racing Club de France impose son stade, le stade de Colombes, pourtant fort éloigné de Paris. Le stade propose 40 000 places, dont la moitié d’assises, et 50% des recettes iront au Racing. Colombes accueille le premier village olympique de l’histoire pour accueillir les athlètes, des cabanes de bois malheureusement détruites après les Jeux. Une gare est inaugurée à 10 minutes du stade et comme le stade, elle existe encore aujourd’hui.

Outre le stade olympique, beaucoup d’épreuves ont lieu dans les Hauts-de-Seine ou les Yvelines même si Paris intra-muros accueille la natation à la piscine des Tourelles, dans le 20e arrondissement, l’équitation à Auteuil, ou le cyclisme, la boxe et la lutte dans le tristement célèbre Vél'd’Hiv. Enfin, Le Havre accueille les épreuves de voile.

Un succès difficile à mesurer

L’événement n’est en apparence pas si populaire que cela. Les stades sont loin d’être remplis, sauf pour les épreuves de football. Le prix des places est l'objet de toutes les critiques.

En revanche, c’est un indéniable succès médiatique. Pour la première fois des épreuves sont commentées en direct à la radio. 700 journalistes sont présents, c’est alors un record. Et la France vit clairement les Jeux olympiques comme un événement. En témoignent les très nombreux "Café olympique" ou "Café des sports" qui naissent un peu partout cette année-là. Ces Jeux participent clairement de l’installation du spectacle sportif dans notre culture. Cette décennie se traduit également par le triomphe de la littérature sportive, dont les grands noms d’alors sont Henry de Montherlant ou Jean Giraudoux, deux écrivains et également de très bons athlètes.

L'héroïsation des corps

Ce sport spectacle se nourrit de héros, et les Jeux olympiques en offrent. C’est par exemple Johnny Weissmuller, pas encore Tarzan, dans la piscine olympique. Mais le dieu du stade, c’est le Finlandais Paavo Nurmi qui, le 10 juillet 1924, réalise une exceptionnelle performance : il remporte le titre du 1 500 m avant de s'imposer deux heures après sur le 5 000 m. La Finlande, grande nation athlétique d’alors, termine deuxième au classement des médailles derrière les intouchables Américains et devant la France, qui réalise des beaux Jeux avec 38 médailles, dont cinq pour le seul escrimeur Roger Ducret, en fleuret, épée et sabre !

L’héroïsation des corps est renforcée par l’introduction, pour la première fois dans le sport, du ralenti. Les corps meurtris de la Première Guerre mondiale laissent la place aux corps triomphaux.

Courbertin est heureux. Après les Jeux de 1920 à Anvers qui n’étaient pas universels, se déroulant sans les vaincus de la guerre, ceux de 1924 le deviennent enfin. 44 nations participent aux Jeux de 1924. De nouvelles nations olympiques apparaissent, l’Uruguay, les Philippines, l’Irlande, et les vaincus de 1920 reviennent. A l’exception notable de l’Allemagne, que la France refuse d’inviter. L’explication est donnée par le rapporteur du budget des JO, Jean Noblemaire : "Il est absolument indispensable que la France ne perde pas, aux yeux du monde athlétique, prédominant dans de nombreux pays comme l’Amérique, l’Angleterre, les pays scandinaves, ce prestige que lui a donné le sport suprême : la guerre."

L'art au cœur de la compétition

Coubertin est heureux, aussi, parce que l’art est au cœur de cette olympiade. Les épreuves artistiques ont été introduites et des concours d’art se tiennent quelques semaines avant les épreuves sportives. La sculpture, l’architecture, la littérature, la peinture et la musique se voient décernées des prix (vermeil, argent et bronze). Les jurys sont très prestigieux. En littérature, Rudyard Kipling ou Gabriele d’Annunzio ; en architecture, Frantz Jourdain, Auguste Perret ou Tony Garnier ; en sculpture, Aristide Maillol ; en peinture, Maurice Denis ou Edouard Vuillard (deux Nabis) ; en musique, Bela Bartok, Arthur Honegger, Manuel de Falla, Maurice Ravel, Igor Stravinksi… Ça serait chic en 2024, non ?

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