Histoires d'Info. En 1873, la loi de Broglie visait à interdire au président de la République de s'adresser directement au Parlement
Emmanuel Macron a pris la parole lundi devant le Congrès à Versailles. Certains députés dénoncent une dérive monarchique, une accusation qui aurait été au contraire bien vue dans les premières années de la IIIe République, en 1873 !
Le président de la République, Emmanuel Macron, doit avoir recours à l'article 18 de notre Constitution qui lui permet de "prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès", lundi 3 juillet à Versailles. Certains députés de l'opposition, notamment du côté des Insoumis, dénoncent une dérive monarchique. Cela nous a rappelé quelque chose de plutôt surprenant. Avant la réforme constitutionnelle de 2008 qui permet au président de la République de s'adresser au Congrès réuni à Versailles, il n'avait le droit que de s'adresser au Parlement que "par des messages qu'il fait lire" et sans sa présence. Sous la Ve République, ce cas de figure est arrivé à dix-huit reprises, donc fréquemment.
Plus intéressant est le cas de la IIe République, entre 1848 et 1852. A cette époque, le président de la République était tenu de "présenter, chaque année, par un message à l'Assemblée nationale, l'exposé de l'état général des affaires de la République" comme le disposait l'article 52 de la Constitution. Louis-Napoléon Bonaparte s'y pliera ainsi en 1849, 1850 et 1851. Cette possibilité de s'exprimer devant le Parlement est maintenue aux premières heures de la IIIe République.
Crainte de manipulation
Mais en 1873, l'interdiction survient et c'est ici que cela devient surprenant au regard de l'actualité. A l'époque, le président de la République est Adolphe Thiers et l'Assemblée est composée majoritairement de monarchistes, qui attendent le rétablissement prochain de la monarchie une fois la France apaisée. La loi de Broglie, votée le 18 mars 1873, vise à interdire au président de la République de s'adresser directement au Parlement parce qu'on craint qu'il ne manipule les députés pour leur faire adopter le principe du maintien de la République, auquel il s'est peu à peu rallié. Thiers qualifiera cette nouvelle procédure de "cérémonial chinois" et démissionnera peu de temps après. On est bien loin de ceux qui critiquent aujourd'hui la même prise de parole du président de la République pour, au contraire, empêcher une dérive monarchique !
En 2009, lors du premier discours d'un président de la République devant le Parlement depuis 1851, Nicolas Sarkozy s'était ainsi justifié : "La République est solidement ancrée dans notre pays. Le temps était donc venu que s'établissent, entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, des rapports plus conformes à l'esprit d'une démocratie apaisée." Les réactions à la prise de parole d'Emmanuel Macron prouvent que c'était probablement parler un peu vite...
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