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Histoires d'info. Aux sources du clivage idéologique Le Pen-Macron

La notion d'individualisme est l'un des points de désaccord majeur entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Décryptage des influences des deux candidats au second tour de la présidentielle.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Montage photo des deux candidats au second tour de l'élection présidentielle. Emmanuel Macron à Paris en décembre 2016 et Marine Le Pen à Déols en mars 2017.  (ERIC FEFERBERG / AFP)

Idéologiquement, difficile de faire plus éloigné que Marine Le Pen et Emmanuel Macron. L'un des points de désaccord majeur entre les deux candidats au second tour de l'élection présidentielle, le 7 mai 2017, est la notion d'individualisme. Examinons les fondements idéologiques des candidats.

Le Pen : du reaganisme du père à l'Etat fort de la fille

Pour s'en tenir aux références récentes, voici ce que disait Jean-Marie Le Pen dans un meeting à Marseille, juste avant le premier tour de la présidentielle de 2002 : "On me demande quelquefois : 'Mais monsieur Le Pen, êtes-vous de gauche, êtes-vous de droite ? Vous avez dit en un temps ni droite, ni gauche'. Eh bien, je vais vous dire ce que je suis. Socialement, je suis de gauche. Économiquement, je suis de droite. Nationalement, je suis de France."

A bien le suivre, Jean-Marie Le Pen ne se définissait pas comme ni de droite, ni de gauche, mais bel et bien comme de droite et de gauche. Si Marine Le Pen a continué cette stratégie visant à sortir du clivage gauche-droite, elle a cherché à effacer l’image libérale de son père, qui se voyait au début des années 1980 comme le Reagan français. Elle l’aurait probablement accusé d’être ultra-libéral !

Pour être précis, le virage étatiste du Front national a précédé l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011. Ce virage, qui avait pris forme au cours des années 1990 dans un rejet de l’Europe libérale, est véritablement conceptualisé au moment de la crise économique de 2008. 

Nous avons remis à plat notre politique économique et posé les bases du patriotisme économique.

Bernard Monot, député européen et stratège économique du FN

Marine Le Pen et Florian Philippot n’ont cessé ensuite de marteler et de développer ce nouvel ancrage idéologique. Quelle évolution entre Jean-Marie Le Pen, qui déclarait en 1974 : "Il faut privatiser ce qui peut l’être", et Marine Le Pen qui, il y a quelques jours, voulait nationaliser temporairement l’usine Whirlpool d’Amiens.

Idéologiquement, le Front national a désormais sa cohérence. Un État fort, largement fermé aux migrants et aux échanges, condition et conséquence de la "priorité nationale". Et une idée forte, rappelée en septembre 2016 par Marine Le Pen : "Notre projet est fondé sur le rejet de l’individualisme".

Macron : la promotion de l’individualisme

Du côté d'Emmanuel Macron, revenons en 2008. Le 23 janvier, la commission Attali présente les premières conclusions de son rapport d’inspiration libérale visant à libérer la croissance. Un jeune inspecteur des finances de tout juste trente ans, Emmanuel Macron, est au premier rang en tant que rapporteur général adjoint. Jacques Attali explique : "Ce rapport est libre et non libéral. Nous avons travaillé sans tabou. Nous avons débusqué les rentes, les connivences, les privilèges, nous avons traqué tous les gaspillages. Nous avons essayé de proposer de lever tous les freins, de libérer toutes les forces de la croissance."

Ce rapport est juste et non partisan. On ne peut pas supprimer les freins sur la roue gauche d'une voiture sans supprimer les freins sur la roue droite.

Jacques Attali en 2008

"Notre obsession fut de protéger les faibles, les femmes, les minorités, les exclus et surtout les jeunes", conclut Jacques Attali. À bien des égards, il y a ici les fondements idéologiques essentiels d’Emmanuel Macron. D'abord, le rapport sort du clivage gauche-droite. Dès son introduction, on peut lire : "Il n’est ni partisan ni bipartisan, il est non partisan." Il y a aussi une défense de la liberté – et non du libéralisme – et l’attachement à l’égalité des chances.

Ces trois dimensions, ni Attali ni Macron n'en sont les inventeurs. Il faut aller chercher du côté de John Rawls, un philosophe américain des idées politiques décédé en 2002, qui a théorisé ce qu’il appelle le "libéralisme égalitaire". Celui-ci se définit par trois grands principes :

1. Ce que Rawls appelle "le consensus par recoupement". L’idée est que, même en ayant des opinions et des doctrines opposées, on peut se retrouver autour d’un socle de valeur communes. C'est la version philosophique du ni gauche ni droite.

2. L'égalité des chances. Pour vivre dans une société juste, chacun doit pouvoir entreprendre et réaliser ses projets sans souffrir d’inégalités liées à la naissance ou aux accidents de la vie.

3. De ce deuxième principe découle le troisième, la liberté des individus de faire plus, de ne pas simplement satisfaire leurs besoins primaires.

Promotion de l’individualisme d’un côté, rejet de celui-ci de l’autre, voilà certainement un clivage majeur entre les deux candidats.

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